Vous vous souvenez de cette fête de famille incroyable que vous attendiez depuis des mois ? Ces grandes retrouvailles, tout ce qui avait été patiemment planifié, ces cavalcades d’enfants dans les jardins, anticipées comme autant de joie, ce plaisir de retrouver des êtres chers… ces discussions à bâtons rompus à l’ombre des tilleuls, votre brochette d’oncles capables de dérider un enterrement, l’art consommé des aînés à trouver une place au soleil, mais pas trop, pour voir leur petit monde s’égayer à leurs pieds, tout allait être parfait. Jusqu’à ce que la météo annonce un ciel gris et lourd, une pluie froide et ininterrompue. De quoi rincer les enthousiasmes les plus forcenés… Vous vous souvenez ? Bien. Parce que l’iPad 2022, c’est cette fête de famille, et la pluie froide, les tarifs d’Apple.
iPad 10 64 Go au meilleur prix Prix de base : 589 €
Mettons de côté la question du prix quelques instants, et peut-être même jusqu’à la fin de ce test, et posons les choses à plat. Sur le papier, l’iPad 2022 est la tablette d’entrée de gamme qu’on attendait depuis quelques lustres. Pensez ! Elle abandonne son vieux design qui remonte presque à ses origines, affine les bordures autour de son écran, agrandit la surface d’affichage pour atteindre les 10,9 pouces de diagonale, mincit légèrement et s’allège de quelques grammes. Tout cela en gagnant une puce plus performante, un connecteur davantage dans l’air du temps, et de jolies couleurs – si, si, ça compte.
Mieux que cela, l’iPad 2022 est (presque) un iPad Air de 2020, de 4e génération, celui-là même qui nous faisait nous demander alors ce qu’il restait aux autres tablettes d’Apple.
Pour tout dire, iPad Air 2020 et iPad 2022 (de dixième génération) partagent tous deux la même puce, l’A14 Bionic, la même diagonale d’écran, avec la même définition, à défaut d’offrir la même couverture colorimétrique et de bénéficier des mêmes traitements anti-reflet et du laminage, qui permet une plus grande finesse, limite les reflets, et supprime l’impression d’espace entre l’affichage et la surface tactile.
Mieux encore, ce « presque » iPad Air est vendu 80 euros moins cher (589 contre 669 euros). Mais cela reste toutefois 200 euros de plus que le premier prix apposé à l’iPad d’entrée de gamme de l’année dernière – qui est d’ailleurs maintenu au catalogue et n’est pas remplacé par ce modèle. Une astuce déjà entraperçue avec les derniers MacBook Air, qui a vu les modèles M1 rester en tout entrée de gamme.
Voilà, désolé, on n’a pas tenu très longtemps, avant de revenir à la question du prix, qui est centrale, vous l’aurez compris. Sans même parler du fait qu’à ce prix on n’a droit qu’à 64 Go de stockage, cet iPad 2022 vaut-il ces 589 euros ?
Ergonomie, et écran, du nouveau et du très bon
En adoptant enfin un design plus moderne, inspiré de celui des iPad Pro, aménagé à la sauce iPad Air, mais en un peu plus épais et lourd, l’iPad 2022 gagne en esthétisme, et également en confort d’utilisation. Il est très agréable de le tenir à la main, que ce soit en mode paysage ou portrait. À ce sujet, parlons d’un des grands changements, le déplacement de la caméra avant sur le côté, qui demandera de revoir un peu ses habitudes. Ce nouveau positionnement est bien plus pratique quand on utilise l’iPad avec un clavier ou avec la partie du Magic Keyboard Folio qui intègre une béquille, mais quand on tient la tablette à nu, il faudra veiller à ne pas obstruer la caméra avec sa main. C’est donc un choix d’Apple de mettre en avant ce mode d’utilisation. Dans tous les cas, la fonction Cadre centré est toujours aussi efficace, et vous permet soit de vous balader un peu devant votre iPad sans trop sortir du cadre, soit de vous tenir à plusieurs dans le champ de vision de la tablette sans trop de souci.
L’écran plus large est bienvenu. La nouvelle diagonale de 10,9, contre 10,2 précédemment, apporte un peu plus de surface d’affichage, encadré par des bordures plus fines. Si la dalle n’est pas laminée et ne bénéficie pas de traitement anti-reflets, la qualité d’affichage est toujours excellente.
La dalle Liquid Retina de l’iPad 2022 est très lumineuse. Le 01Lab a ainsi mesuré une luminosité de 521 cd/m2. C’est meilleur que ce qu’offrait l’iPad de neuvième génération l’an dernier, et même meilleur que ce que nous avions mesuré sur les deux dernières générations d’iPad Air. Le contraste est légèrement en retrait, mais pas de beaucoup et sans que ce soit catastrophique. Il est toutefois un peu inférieur à celui de l’iPad 2021, et très en deçà de ce qu’alignent les iPad Air.
En revanche, il bat toutes ces tablettes quand on s’intéresse à la fidélité colorimétrique, avec un Delta E 2000 de 0,96. Rappelons que tout chiffre inférieur à 2 est excellent et indique que la dalle affiche des couleurs d’une grande précision.
Magic Keyboard Folio et Apple Pencil, des accessoires à revoir ?
Avec ce renouveau de l’iPad, Apple a introduit un nouveau clavier : le Magic Keyboard Folio. Il innove en quelque sorte : il s’inspire beaucoup des claviers de Microsoft pour ses tablettes, en se composant de deux éléments indépendants. Tout d’abord, on trouve un dos qui s’aimante et protège l’arrière de la tablette, mais pas les côtés. C’est cette partie qui offre une béquille, et permet de plus ou moins incliner l’iPad – peut-être pas assez pour les grands, que vous regardiez un film ou utilisiez l’iPad comme un petit PC. Ensuite, il y a la seconde partie, le clavier à proprement parler. Il s’attache aux Smart connectors sur la tranche de la tablette. Ainsi, pas besoin de faire attention à la batterie du clavier ou à la synchronisation, il est alimenté par la tablette et fonctionne immédiatement. Même si l’ensemble est assez compact, pour correspondre à la taille de l’iPad 2022, les touches sont d’une dimension assez confortable. Il faudra un petit temps d’ajustement, comme pour chaque changement de clavier, mais on arrive rapidement à taper beaucoup de texte sans trop de fausses notes. On apprécie par ailleurs les touches de fonction sur la partie haute, qui donnent des accès plus rapides au contrôle du son, de la luminosité, etc. Il y a même une touche Escape !
Le trackpad est également réactif et plutôt plaisant à utiliser. L’ensemble est stable sur une table. En revanche, n’espérez pas trop travailler sur vos genoux, c’est un peu compliqué. Même si on y arrive en étant particulièrement immobile.
Notons deux petits ratés ergonomiques. Le premier est un détail, et tient au fait que l’iPad se déverrouille avec Touch ID et non Face ID. Quand on active la tablette avec le clavier, il faut malgré tout la déverrouiller avec le lecteur d’empreintes digitales. C’est un peu moins fluide et plus contraignant qu’avec les iPad Pro.
Le second est bien plus gênant à nos yeux, et peut-être rédhibitoire. La partie clavier joue bien mal son rôle de « couverture ». Quand on referme l’iPad, le clavier n’est maintenu en place que par les Smart Connectors. La partie qui relie les connecteurs au clavier est bien trop souple pour rester en position et protéger l’écran une fois rabattue. La dalle se retrouve très rapidement exposée, et ce n’est pas ce que vous voulez dans un sac à dos ou même quand vous vous promenez en le tenant à la main. C’est vraiment surprenant de la part d’Apple.
Si on regarde un peu du côté de Microsoft, on regrette également que les équipes de Tim Cook ne se soient pas mises en tête de prévoir un petit emplacement pour ranger l’Apple Pencil. Certes, le stylet d’Apple est en option, mais un rangement aurait été bienvenu.
Justement, parlons brièvement de l’Apple Pencil… de première génération. On ne comprend pas qu’Apple s’entête à imposer ce stylet, bien moins bon et agréable à utiliser. Le nouveau design de l’iPad aurait pu lui permettre de recharger le Pencil de 2e génération facilement. En tout cas, avec bien plus de facilité que le premier modèle vieillissant, qui requiert de recourir à un adaptateur USB-C vers Lightning… Vendu séparément, à en croire ce qui nous a été livré pour notre test, et tellement facile à égarer ou oublier.
On peut comprendre la volonté de maintenir des effets de gamme, mais c’est bien plus difficile à accepter quand c’est au détriment d’un confort de base au quotidien.
À franchement parler, nous ne recommanderions aucun de ces deux accessoires, sauf si vous avez un réel besoin de prendre des notes ou de dessiner, et n’avez pas le budget pour un iPad Air. Pour le clavier-cover, on encouragera vivement les utilisateurs à jeter un œil à des acteurs, comme Logitech, qui proposent des alternatives très abouties.
L’A14 Bionic, toujours aussi performant
Nous avons déjà eu l’occasion de le dire, l’A14 Bionic n’est pas une puce inconnue. Nous avons eu l’occasion de la voir à l’œuvre dans les iPhone 12 et dans l’iPad Air 2020, notamment. On la retrouve ici associée à 4 Go de mémoire vive, comme dans l’iPad Air de quatrième génération. De fait, les performances de l’iPad 2022 sont quasiment identiques à l’iPad Air qui nous avait tant plu, et sont bien entendu supérieures à celles de l’iPad 2021, qui battaient au rythme de l’A13 Bionic.
Entre l’iPad de 9e génération, encore en vente, et l’iPad de 10e génération, nouvellement introduit, mais plus cher, on note un gain de 23% de performances en multicœurs CPU avec Geekbench 5 et de plus de 67% pour la partie Compute, qui sollicite davantage la partie graphique du SoC.
Cela signifie que vous aurez plus de facilité pour travailler sur des fichiers vidéo un peu lourds, par exemple, ou pour jouer, évidemment. Difficile de voir à l’œil nu un gain en fluidité ou d’énormes changements graphiques néanmoins. Ce delta devrait surtout permettre à l’iPad 2022 de tenir le cap plus longtemps, et de mieux tenir la charge en cas de multitâche (séquentiel) un peu intensif.
Par ailleurs, le fait que, même du côté des smartphones, la nouvelle génération des iPhone 14 reste en partie animée par l’A15 Bionic, garantit que l’A14 Bionic ne sera pas dépassé trop rapidement. Vous avez entre les mains une tablette qui devrait être maintenue et avoir droit à des mises à jour pendant plusieurs années, au moins six, si on se réfère au passé.
Une autonomie entre iPad et iPad Air…
Depuis que l’iPad Air est revenu à la vie, il affiche de bonnes autonomies, mais en léger retrait par rapport à celles des iPad classiques. La taille de l’écran, des puces plus puissantes, et une batterie plus compacte sont sans doute les trois principales raisons de cet écart.
En adoptant le design de l’iPad Air, à quelques dixièmes de millimètres près, l’iPad 2022 perd en autonomie par rapport à l’iPad 2021 et à son design ancestral. La différence entre les deux générations de tablettes est significative.
En autonomie polyvalente, qui simule sans interruption des usages du quotidien (surf, vidéo, productivité, etc.), l’iPad 2022 est une heure et quarante minutes moins endurant que l’iPad 2021.
Pour notre autre test d’autonomie, celui qui consiste à streamer en continu une vidéo, on trouve une différence d’une heure et vingt-neuf minutes entre la neuvième et dixième génération, toujours en faveur de la première. Autrement dit, le nouvel iPad fait moins bien que l’iPad, toujours en vente en entrée de gamme.
Toutefois, ses résultats ne sont pas catastrophiques et dans les deux cas conformes aux promesses faites par Apple. Le géant de Cupertino annonce en effet une dizaine d’heures d’autonomie pour son nouvel iPad.
Cela vous permettra d’être tranquille un moment, mais pas forcément de tenir toute la journée si vous vous mettez à jouer ou même à travailler dans un traitement de texte tout en éditant quelques photos, et écoutant de la musique ou en regardant des vidéos en tâche de fond.
On notera toutefois que la contrainte du facteur de forme qui pèse sur les autonomies des iPad Air (ici, nous n’avons gardé que les modèles de 4e et 5e génération) a moins d’impact sur l’iPad 2022. La tablette de presque entrée de gamme fait ainsi systématiquement mieux que l’iPad Air 2020, dont elle est une sorte de clone. Ces gains peuvent être mis au crédit de l’optimisation logicielle, introduite avec iPadOS 16.
Un nouvel OS très plaisant, à qui il manque la grosse nouveauté…
Alors que Google est en train de préparer sa Pixel Tablet et d’enfin accorder Android à ses ambitions sur « grand écran », il paraît opportun de rappeler la richesse d’iPadOS. Bien entendu, il y a l’App Store et les applications taillées sur mesure pour les écrans d’iPad, c’est une des forces de l’écosystème d’Apple et depuis longtemps.
Il y a ensuite les nouveautés qu’apporte la dernière mouture du système d’exploitation pour tablette d’Apple. On citera pêle-mêle la possibilité d’éditer les messages envoyés avec Messages quelque temps après leur envoi, le copier-coller du texte qui apparaît dans une vidéo, ou encore la possibilité très intuitive de détourer un élément dans une photo pour en faire un sticker, une image à envoyer à des amis ou à glisser dans un exposé ou un document. Ces dernières nouveautés reposent évidemment sur l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine, et fonctionnent en local pour que vous n’ayez pas à vous inquiéter de voir vos données transiter sur un serveur d’Apple.
Et on regrettera une fois encore les quelques petits soucis d’affichage dans Safari, qui décidément oscille entre le très bon et le très raté sur iPadOS. Certains sites sont impraticables, car des éléments de navigation ne s’affichent pas. Il faut relancer la navigation depuis Chrome (qui utilise le même moteur de rendu, pourtant) pour pouvoir mener à bien la validation d’un formulaire, par exemple. Ce qui est tout sauf pratique quand on veut réserver un billet de spectacle dont les places sont limitées et s’arrachent…
iPad 10 256 Go au meilleur prix Prix de base : 789 €
Par ailleurs, dans le cadre de la productivité, pour avoir suivi iPadOS 16 sur un iPad Pro depuis sa première bêta en juin dernier, on ne peut s’empêcher de regretter que Stage Manager, nouvelle fonction star, ne soit pas de la partie. Malgré les progrès réalisés par Apple en matière de multitâche, on se retrouve avec des choix plus limités : une appli en plein écran, deux applis côte à côte, deux applis et une troisième dans une fenêtre latérale masquée ou en image dans l’image, quand il s’agit d’une vidéo. Bref, on a compris qu’Apple ne peut pas déployer cette fonction sur les puces et les configurations qui n’atteignent pas un certain seuil de puissance, de mémoire vive et de stockage. Néanmoins, cette absence ne fait que mettre en exergue la différence d’ergonomie et de fluidité dans les usages entre les iPad et un Mac.
Or, à voir les prix de ses nouveaux iPad, on ne peut que regretter cette limitation. À ce tarif, comment envisager la tablette seulement comme un terminal de consultation qui offre un peu plus ? Oui, c’est assurément la meilleure tablette d’entrée de gamme jamais produite par Apple, mais elle ne pourra que ponctuellement prétendre au rôle de PC d’appoint, pour des tâches limitées, linéaires, qui demandent peu de changements d’applications. Ce n’est une fois encore pas une question de puissance, tout tourne parfaitement et l’expérience iPadOS est fluide et agréable, mais ce sont les limites d’une interface pensée pour le tactile avant tout, avec un fenêtrage réduit et pas de « bureau ».