En Inde, la lente dérive vers un Internet toujours plus cadenassé

En Inde, la lente dérive vers un Internet toujours plus cadenassé


Pas à pas, l’Inde continue d’encadrer les géants de la tech… Et de susciter, par la même occasion, les craintes des organisations de défense des libertés. Le 28 octobre, le gouvernement a ainsi ajouté un nouvel outil à un arsenal législatif déjà prolifique : une série d’amendements aux décrets d’applications de la loi sur l’information et les technologies, entrés en vigueur en 2021, et qui ont pour objectif d’exercer un plus grand contrôle sur les grandes plates-formes, comme Twitter, Facebook ou Instagram.

Qualifiés d’« avancée majeure vers un Internet ouvert, sûr, fiable et responsable » par le ministère de l’électronique, de l’information et des technologies, ces nouvelles règles relèvent au contraire d’une « atteinte aux droits numériques de chaque utilisateur indien de réseaux sociaux », pour l’organisation indienne de défense des libertés numériques Internet Freedom Foundation (IFF). Ces amendements prévoient la création de comités d’appel pour permettre aux utilisateurs de contester des décisions prises par les plates-formes en matière de modération. Chaque comité, composé d’un président et de deux membres, sera nommé par le gouvernement. L’IFF craint que la mesure n’incite les plates-formes à retirer toute forme d’opinion qui pourrait déplaire au pouvoir.

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Réduction drastique de l’espace de contestation

Car si la réglementation indienne s’inscrit dans une tendance mondiale à la régulation des réseaux sociaux, elle intervient aussi dans un contexte local de mise à mal des libertés individuelles. « En Inde, l’espace de contestation se réduit, le pays ne cesse de dégringoler dans les classements sur la liberté de la presse et de sérieuses interrogations émergent sur l’état général de la démocratie », met en garde Prateek Waghre, directeur des politiques à l’IFF.

L’Inde détient par exemple le triste record du plus grand nombre de coupures Internet dans le monde : pas moins de 106 au cours de l’année 2021, selon le groupe de réflexion et de défense des droits numériques Access Now. « L’Inde est traversée par des tendances numériques autoritaires particulièrement inquiétantes : la démocratie la plus peuplée du monde, le deuxième pays au monde qui compte le plus d’utilisateurs d’Internet, est aussi celui qui coupe le plus Internet », déplore Raman Jit Singh Chima, directeur Asie des politiques d’Access Now.

New Delhi entretient de longue date des relations tumultueuses avec les grands groupes de la tech, notamment Twitter : à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, le gouvernement a réclamé à la firme à l’oiseau bleu de supprimer des dizaines de comptes. Certains soutenaient la création d’un Etat sikh indépendant, d’autres étaient accusés de faire circuler de fausses informations sur les manifestations d’agriculteurs qui ont secoué le pays pendant plus d’un an, à partir de l’hiver 2020. Le gouvernement a également exigé de la plate-forme qu’elle retire des contenus critiquant sa gestion catastrophique de la deuxième vague de Covid-19, au printemps 2021.

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