Tout commence lors d’une soirée en famille comme les autres. Un père et une mère s’endorment sur le canapé, le visage éclairé par la lueur blafarde de leur télévision. A leurs côtés, un chien dort tout aussi paisiblement, et un enfant en bas âge se lève pour esquisser maladroitement quelques pas. Il suffit de quelques minutes pour que le récit bascule : un monolithe extraterrestre s’écrase dans le jardin, et le père se retrouve isolé du reste de sa famille.
C’est une histoire qui se raconte sans un mot, à la manière de jeux comme Inside et Limbo, du studio Playdead – ce n’est sans doute pas un hasard si Somerville a été produit par son ancien cofondateur, Dino Patti, même si le directeur de jeu, Chris Olsen, cherche ouvertement à s’affranchir de cette filiation –, et qui propulse le joueur dans une succession de tableaux postapocalyptiques.
Le personnage du père, dont on ne saura jamais le nom, se trouve subitement doté d’un pouvoir qui lui permet, quand il trouve une source de lumière, de solidifier ou de liquéfier les roches extraterrestres qui se dressent sur son chemin. Cette mécanique, la principale du jeu, se révèle intuitive et plutôt facile à prendre en main. Pour le reste, le seul autre bouton d’action de Somerville permet tantôt de s’allonger pour ramper dans un conduit, tantôt de se hisser sur une plate-forme ou d’activer un générateur, mais cache toujours une action différente et pertinente en fonction du tableau dans lequel se trouve votre personnage.
Le silence est d’or
Par sa mise en scène et ses plans travaillés, le jeu continue de dérouler son récit et parvient à émouvoir sans jamais donner la moindre indication. Somerville n’est pas un jeu d’adresse : c’est avant tout un jeu d’énigmes, qui impose de toujours se creuser la tête pour déterminer comment passer à la scène suivante. La plupart des tentatives se voient d’abord vouées à l’échec, autant de revers qui permettent de progressivement mieux comprendre comment contourner la menace extraterrestre. Il faudra successivement se cacher dans une zone d’ombre pour esquiver le rayon de lumière d’un vaisseau, fuir comme un dératé pour semer une créature qui tire systématiquement à vue, trouver une source de lumière pour utiliser son pouvoir, ou encore se faufiler entre les rayons d’un magasin déserté pour ne pas attirer l’attention.
Avec sa durée de vie de cinq heures, Somerville n’a pas trop le temps de se répéter, et laisse toujours le joueur avancer dans un monde dévasté avec un léger sentiment d’appréhension – qu’est-ce qui peut bien l’attendre dans le tableau suivant ?
Servi par une chouette direction artistique, le jeu montre toutefois ses limites lors de certaines phases de déplacement. Il ne se limite pas au défilement horizontal comme les titres de Playdead et ses nombreux héritiers, mais la 3D n’est pas toujours très bien gérée, et vous fera par moments buter contre de bêtes éléments de décor – ce qui est toujours très vexant lors d’une scène particulièrement cinématographique.
Notamment influencé par Another World, d’Eric Chahi, Somerville fait penser surtout à une version intimiste de La Guerre des mondes : Chris Olsen revendique d’ailleurs Jeff Wayne’s Musical Version of the War of the Worlds, un album concept de rock progressif fondé sur le roman de H. G. Wells, comme principale source d’inspiration. « J’ai grandi en écoutant cet album en boucle, tout en feuilletant le livret de l’album de mon père, qui comportait des dessins fabuleux », a-t-il confié à Escapist. « J’étais obsédé et je passais des mois à dessiner, à essayer d’étendre cet univers, la biologie [des créatures extraterrestres], les designs des vaisseaux. »
Jusqu’au bout de l’aventure, le jeu laisse énormément de place à l’interprétation, oscillant toujours entre l’horreur et la science-fiction – et vous laissera à vous demander constamment, à l’image du protagoniste, ce qu’il peut bien vous arriver.
L’avis de Pixels
On a aimé :
- la mise en scène, qui se réinvente tout au long du jeu ;
- la variété des tableaux, qui ne laissent aucune place à la répétition.
On a moins aimé :
- les moments de course-poursuite où le personnage bute bêtement contre un élément du décor.
C’est plutôt pour vous, si :
- vous pensez qu’une image vaudra toujours plus que mille mots ;
- vous pensez qu’une image vaudra toujours plus que mille mots.
Ce n’est plutôt pas pour vous, si :
- vous aimez être aiguillé par des indications textuelles ou par des personnages bavards ;
- vous préférez voir vos ennemis extraterrestres dans le viseur d’une arme surpuissante.
La note de Pixels :
Rencontre rapprochée du 5e type/7