Dans la musique aussi, le nombre d’écoutes des titres sur les plateformes de streaming est un élément déterminant pour le succès des artistes et leur visibilité et cet élément simple et direct peut faire l’objet de fraudes.
C’est ce que relève et surtout quantifie le rapport du Centre national de la Musique (CNM) publié ce lundi, montrant que cette valeur peut être artificiellement gonflée, comme sur toutes les plateformes de streaming et les réseaux sociaux en quête de vues.
Selon ses calculs, entre 1 et 3% des streams des plateformes musicales sont concernés en France, soit autour de 1 à 3 milliards de fraudes estimées sur l’année 2021.
Une valeur sans doute inférieure à la réalité (des chiffres bien plus élevés sont avancés dans l’industrie mais ne sont pas rigoureusement démontrés) tant les possibiltés de triche sur les écoutes sont étendues et les solutions astucieuses et évoluant rapidement pour contourner les éventuelles mesures protectrices.
La difficulté d’estimation vient aussi des méthodes très différentes des plateformes de streaming pour les détecter et les comptabiliser, rendant délicates des comparaisons directes de l’une à l’autre.
La longue traîne, générateur artificiel de revenus
Ce marqueur du succès des artistes musicaux serait donc comme les autres entaché d’une certaine proportion d’écoutes factices permettant de gonfler les statistiques et de se rendre plus visible.
Il est à noter que trois grands acteurs du marché français, Spotify, Deezer et Qobuz, ont activement participé à l’élaboration du rapport, tandis que les plateformes américaines n’ont pas souhaité fournir de chiffres. Le CNM regrette ce manque de coopération déjà manifesté à l’occasion d’autres études.
La détection des anomalies s’appuie sur différents comportements comme les écoutes de très longue durée, les écoutes systématiques de 30 secondes (comptabilisant l’équivalent d’une lecture) et les morceaux passés très rapidement. Le marché musical le plus concerné par les fraudes reste le rap (genre le plus écouté sur les plateformes) et les musiques de relaxation, même si tous les styles musicaux sont en réalité concernés.
Les techniques de fraude (source : étude CNM)
A ce titre, l’étude relève que la fraude se situe surtout au niveau de la longue traîne de l’offre (les morceaux finalement peu écoutés naturellement) pour tenter de se distinguer du reste de l’offre tout en restant suffisamment discrète pour éviter d’être repérée, tout en générant des « revenus artificiels de faible volume » mais réguliers.
Pour les titres musicaux plus en vue, la fraude est soit moins nécessaire soit moins décelable et surtout utilisée pour obtenir un meilleur référencement de court terme dans les classements.
Besoin d’une réaction collective du secteur
Au-delà de l’aspect frauduleux et même s’il ne constitue pas une si grande proportion face aux écoutes réelles, l’étude suggère que les fausses écoutes constituent un danger pour le modèle économique du streaming musical en pesant sur la valeur de rémunération des écoutes.
A défaut de pouvoir identifier la source de la fraude (maison de disques, artiste, autre) et d’engager des poursuites, le rapport du CNM propose d’établir une « charte interprofessionnelle de prévention et de lutte contre la manipulation des écoutes en ligne » avec l’appui de la DGCCRF et via des actions concertées au niveau professionnel.
L’étude pointe en effet une augmentation du phénomène observée par certaines plateformes et des témoignages de démarchage des professionnels pour proposer des services d’augmentation artificielle des streams.