Plus de 10 millions de vues et 12 000 retweets à minuit, heure de Paris : le message des auteurs du livre de style de l’agence américaine Associated Press (AP), qui prodiguaient jeudi 26 janvier leurs conseils rédactionnels, n’est pas passé inaperçu : « Nous recommandons d’éviter les étiquettes globales et souvent déshumanisantes de type “les” [the en anglais], tels que les pauvres, les malades mentaux, les Français, les handicapés, les diplômés. Utilisez plutôt des mots tels que personnes atteintes de maladies mentales. Et n’utilisez ces descriptions que lorsqu’elles sont clairement pertinentes. » Bigre.
Le livre de style d’AP, qui recense les bonnes pratiques rédactionnelles, est un peu la bible des journalistes américains. Et l’inconscient de ses auteurs a déclenché une partie de plaisir sur Twitter. Plusieurs journalistes suggèrent ironiquement d’utiliser le vocable « personnes en situation de francité » tandis que l’artiste C Barker d’Atlanta préfère « souffrant de francité ». Shelagh Dolan choisit le très neutre « personne d’expérience française » tandis qu’« assigné français à la naissance » est choisi par Connor Scott-Gardner. Le rédacteur de NBC Ben Collins propose « personne faisant l’expérience d’un croque-monsieur ». « Je suis presque sûr que [cette liste], c’est juste Les Misérables », estime un autre twittos. « Mon film préféré est Connexion avec la francité » », traduit le comédien Jeremy McLellan, pour French Connection.
Les twittos sont allés à la recherche des articles sur les Français, remontant grâce à Internet assez loin dans le temps. « Vous êtes malheureux dans la vie ? Vous pourriez être Français », titrait un article de CNBC qui relatait en 2013 l’effet de la crise sur les Français en dépit de leur filet social. On se souvient d’un commentateur télévisuel expliquant en 2018 à propos des frasques sexuelles de Donald Trump : « C’est presque français. » AP n’est guère suivi : « Les » Français, il y en a partout dans la presse américaine. « Pourquoi les Français veulent arrêter de travailler », titrait cette semaine The Atlantic sur les retraites tandis que le New York Times écrit « New York ne peut pas quitter les Français » dans un article gastronomique.
Certains s’énervent : « Est-ce que vous n’êtes pas THE Associated Press ? », demande Pete Woods, tandis qu’un autre répond : « Personnes faisant l’expérience d’Associated Press. Il y a probablement un suppositoire disponible. » Soudain, le ton devient plus acrimonieux. « Alors au lieu de “la classe dirigeante” ou “les riches”, je devrais dire “les gens avec un complexe de cupidité” ou “les gens en faillite morale” ? », s’agace Johnny Akzam, alors que d’autres dénoncent plus directement le « wokisme » de l’agence.
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