Dans le jargon, on les appelle « golden shares » : des « actions dorées », qui donnent des droits spéciaux à leurs propriétaires. L’achat de seulement 1 % du capital en « spécial management shares », leur nom officiel, permet à l’Etat chinois de siéger au conseil d’administration d’une entreprise. En 2021, le fonds géré par l’Administration du cyberespace de Chine, le régulateur du Web, a ainsi pris une participation de 1 % dans la principale filiale chinoise de ByteDance, le propriétaire de TikTok et Douyin.
Grâce à cet investissement de seulement 2 millions de yuans (267 000 euros), le régulateur a pu placer l’un de ses responsables au conseil d’administration de l’entreprise, qui ne compte que trois membres, selon les statuts consultés par le Financial Times. Plus récemment, en janvier, les autorités chinoises ont mené la même opération dans une filiale du géant du commerce en ligne Alibaba. Et elles souhaitent faire de même chez Tencent, numéro un des réseaux sociaux et des jeux vidéo en Chine.
La pratique des « actions dorées » permet au Parti communiste de contrôler toujours plus les entreprises. Les groupes chinois ne peuvent, en effet, rien refuser aux autorités : une loi de cybersécurité adoptée en 2017 impose à tout citoyen ou organisation de « soutenir, assister et coopérer avec le travail de renseignement national ». Un texte renforcé par la loi sur la sécurité des données de 2021, qui classe certaines données des entreprises comme des informations de sécurité nationale.
« Menottes dorées »
« Il faudrait plutôt les appeler des menottes dorées, ironise Duncan Clark, fondateur de BDA China, une société de conseil, et auteur en 2016 d’une biographie de Jack Ma, le fondateur d’Alibaba. Les “golden shares” permettent aux autorités de s’assurer qu’elles ont le contrôle, notamment sur les données. Concernant ByteDance, ou [la plate-forme de VTC] Didi, il y avait la crainte que les Etats-Unis puissent avoir accès aux données chinoises. Or Xi Jinping veut avoir le contrôle absolu dessus. »
Ces mesures compliquent l’expansion des entreprises chinoises à l’étranger. Il y a quelques années, le soupçon portait sur le géant des télécoms Huawei, accusé de permettre l’accès des autorités chinoises aux données de ses clients. Le leader chinois des télécoms a été banni par de nombreux pays occidentaux.
Aujourd’hui, c’est au tour de TikTok : interrogé à ce sujet, le 23 mars, par les élus américains, Shou Zi Chew, le PDG de l’entreprise, a répondu que « le Parti communiste n’a pas de droits de vote dans ByteDance », arguant du fait que ces actions sont détenues dans une filiale chinoise, et non la maison mère du groupe.