Peut-on réclamer une « pause » dans le développement de l’intelligence artificielle (IA) et lancer en même temps sa propre start-up dans le domaine ? Ce paradoxe ne semble pas insurmontable pour Elon Musk : le patron de Tesla et de SpaceX a déposé en mars les statuts d’une société baptisée X.AI et basée dans l’Etat américain du Nevada, ont noté le Wall Street Journal et l’AFP, les 14 et 15 avril.
Le 28 mars, M. Musk était pourtant l’un des signataires les plus visibles d’une lettre ouverte demandant la suspension pendant six mois de la « course incontrôlée pour développer et déployer des cerveaux numériques toujours plus puissants, que personne – pas même leurs créateurs – ne peut comprendre, prédire ou contrôler de manière fiable ». Sa nouvelle société devrait s’ajouter aux laboratoires d’IA visés par l’appel : OpenAI (le créateur du robot conversationnel ChatGPT), Google, Microsoft, Meta, Anthropic, Stability AI ou Amazon, qui vient de lancer son offre Bedrock.
Dès fin février, le média The Information a relaté les intentions d’Elon Musk de créer un rival des leaders du domaine. L’entrepreneur a recruté pour cela Igor Babuschkin, un ancien de DeepMind (filiale d’IA d’Alphabet, la maison mère de Google) et d’OpenAI, ainsi que Manuel Kroiss, lui aussi passé par DeepMind. M. Musk aurait attiré pour l’instant une demi-douzaine d’ingénieurs, a écrit le Financial Times vendredi.
Selon le quotidien, M. Musk est en discussion avec des investisseurs de ses sociétés automobile et spatiale, Tesla et SpaceX, pour financer le projet. Il aurait, selon le média Business Insider, acquis 10 000 GPU, ces processeurs spécialisés dans les énormes calculs nécessaires pour entraîner les grands modèles de traitement du langage comme les « GPT », sur lesquels se fonde ChatGPT.
Contours flous
Elon Musk n’en est pas à sa première ambiguïté avec l’IA : dès 2014, il jugeait cette discipline « potentiellement plus dangereuse que les bombes nucléaires », mais en 2015 il cofondait OpenAI, avec le but de « faire avancer l’intelligence numérique pour qu’elle bénéficie à l’ensemble de l’humanité ». En 2018, Elon Musk a toutefois quitté le projet. Les raisons ne sont pas totalement élucidées : selon des sources citées par le Financial Times, des désaccords avec la direction concernaient la politique de « sécurité » autour des logiciels.
En 2014, Elon Musk jugeait l’IA « dangereuse », mais, en 2015, il cofondait OpenAI
Mais le conflit était aussi une affaire de concurrence et d’ego : M. Musk a reconnu un conflit d’intérêts lié au recrutement d’ingénieurs en IA pour Tesla. Et, selon le site Semafor, l’entrepreneur est parti après qu’OpenAI avait refusé son offre de prendre la tête de la structure, qu’il jugeait dépassée par certains concurrents, dont Google. Le récent succès de ChatGPT l’aurait rendu furieux, écrit le média.
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