C’est un cap symbolique. Le service de messagerie électronique Proton Mail a franchi, le 18 avril, le cap des 100 millions de comptes utilisateurs créés. Une forme d’accomplissement, mais qui reste modeste face aux plus de 2 milliards d’adresses Gmail comptabilisées par le géant américain Google.
Créé en 2014 en Suisse par des ingénieurs de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le CERN, Proton s’est fixé un objectif : lancer une messagerie sécurisée à une époque où les données personnelles sont devenues de plus en plus précieuses. « Aujourd’hui, c’est pire de perdre [le contrôle de] son adresse mail que son passeport », estime Andy Yen, fondateur et dirigeant de l’entreprise.
La création de l’entreprise s’inscrit dans la lignée de l’affaire Snowden et des déclarations du patron de Facebook qui estimait, en 2010, que la vie privée n’est plus « une norme sociale ». Face aux modèles américains qui offrent des services gratuits, en contrepartie desquels ils peuvent exploiter les données personnelles de leurs utilisateurs, Proton a voulu proposer un service de messagerie sécurisé grâce au cryptage des échanges qu’il propose.
Un pari fragile
Financée au départ par une opération de financement participatif, qui a permis de rassembler plus de 500 000 dollars (456 295 euros) auprès de 10 000 donateurs, la société a décidé de ne pas confier sa destinée aux mains de fonds d’investissement, mais de proposer un modèle « freemium » – gratuit pour la très grande majorité de ses utilisateurs, payant pour ceux qui souhaitent un service optimisé. « Vous êtes fous », m’a dit un investisseur de la Silicon Valley, se rappelle Andy Yen. Pour autant, la société est rentable depuis sa création.
La croissance des utilisateurs a d’abord été lente, reposant essentiellement sur la base des donateurs. Faute de budget important, l’entreprise s’en est remise au bouche-à-oreille, plutôt que de s’offrir des campagnes publicitaires. En 2020, elle ne comptait encore que 20 millions de comptes inscrits.
Son pari d’une offre payante reste encore fragile. Au plus, 5 % des utilisateurs y souscrivent. De même, l’entreprise peine à attirer les entreprises et les grandes organisations. Pour séduire de nouveaux utilisateurs, Proton développe une suite logicielle offrant à ses utilisateurs un service du même niveau que celui de ses concurrents. « Aujourd’hui, on raisonne en termes d’écosystème, il nous faut une suite complète », explique Andy Yen.
Conforter sa réputation
Proton propose notamment un service de VPN (réseau privé virtuel), qui a attiré un public en Chine, en Iran, en Turquie, en février, quand le pouvoir en place a pris des mesures de censure contre les réseaux sociaux, ou en Ukraine. L’entreprise annonce aussi un nouveau service : un gestionnaire de mots de passe. « On nous demande un nouveau navigateur, un outil de visioconférence. On ne peut pas tout faire en même temps, il faut faire les choses les unes après les autres. On associe les pièces du puzzle », explique Andy Yen.
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