Le climatoscepticisme, anatomie d’une mauvaise foi

Le climatoscepticisme, anatomie d’une mauvaise foi


Jusqu’où faut-il accorder du temps, et du crédit, aux discours qui nient la réalité du changement climatique sans respecter les règles élémentaires du débat ? Le Monde a enquêté sur les arguments de la sphère climatosceptique en effectuant un travail de recension, de classement, mais surtout de vérification, rapports sur le climat et littérature scientifique à l’appui. Déjà, en 2015, une série d’articles se penchait sur les acrobaties « dénialistes », qui n’ont guère évolué. Aujourd’hui comme hier, l’exercice se révèle ingrat et fastidieux, car les démonstrations en apparence scientifiques masquent l’usage pernicieux de chiffres bancals, de théories obsolètes ou d’approximations géologiques.

C’est ce qui rend si dangereux ces discours. Qui a le temps d’aller vérifier qu’un graphique fort convaincant sur l’évolution des températures du Soleil s’appuie en réalité sur des données que l’on sait erronées depuis vingt ans ? Que le concept d’« optimum climatique », présenté abusivement comme un climat idéal pour l’homme, correspond de manière bien plus neutre à une période plus chaude que la précédente ? Ou encore que les forêts tropicales découvertes au pôle Nord, présentées comme la preuve que la Terre se refroidit, datent en réalité d’une ère où l’actuel Arctique se situait sous les tropiques ?

Démonter l’argumentaire climatosceptique s’apparente ainsi à un travail de Sisyphe. Il répond à la loi de Brandolini, bien connue des observateurs du monde de la désinformation, selon laquelle prouver l’absurdité d’un baratin se révèle bien plus coûteux en temps et en énergie que de le produire.

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Il suffit de quelques secondes d’ignorance satisfaite pour écrire qu’en 2023 il aurait neigé pour la première fois en Arabie saoudite, contrairement aux prédictions alarmistes sur le réchauffement climatique, comme se sont empressés de s’y employer de nombreux contempteurs de la science. Mais il faut se retrousser les manches et creuser l’histoire météorologique de la péninsule Arabique pour comprendre que les épisodes neigeux sont loin d’y être rares dans son Nord montagneux, et que leur fréquence croissante n’est peut-être pas sans lien avec le dérèglement des courants d’air polaire.

L’histoire du chaudron

Mais ce serait tomber dans le piège de la rhétorique climatosceptique que de se contenter d’en éplucher les arguments un à un pour en montrer les imprécisions, les non-sens et les inepties. Il faut revenir à l’image d’ensemble, et souligner ce qui signe de manière bien plus caractéristique sa malhonnêteté : ses démonstrations sont totalement incompatibles entre elles. Le tableau n’est pas sans rappeler l’histoire du chaudron, sophisme immortalisé par Sigmund Freud : accusé d’avoir rendu un chaudron troué à son propriétaire, un homme dément le lui avoir emprunté, argue qu’il était de toute façon déjà troué, et soutient qu’il l’a rendu intact. « Chacune des objections prise séparément est bonne pour elle-même mais, mises ensemble, elles s’excluent mutuellement », relève le fondateur de la psychanalyse dans L’Interprétation des rêves.

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