Près d’une semaine après avoir menacé de bloquer l’accès aux publications des journaux canadiens, le groupe Meta n’a pas encore mis sa menace à exécution. Les quelque 27 millions d’utilisateurs de Facebook au Canada peuvent encore découvrir sur leur « fil actu » un article partagé du Globe and Mail sur la qualité de l’air à Montréal liée aux immenses feux de forêt toujours actifs au Canada, un autre du Toronto Star célébrant la première maire de Toronto élue le 26 juin, ou encore une chronique de La Presse (journal numérique québécois) décryptant la tendance « ugly chic » de l’été.
Mais le géant du numérique, maison mère de Facebook et d’Instagram, a mis en garde Ottawa : dans six mois, ce sera le « black-out ». Six mois, c’est le temps que le gouvernement libéral de Justin Trudeau s’est donné pour que sa « loi sur les nouvelles en ligne », adoptée définitivement le 22 juin en provoquant le jour même l’ire de Meta, entre en application. Six mois, donc, de bras de fer en perspective, à l’issue duquel l’entreprise californienne pourrait purement et simplement choisir d’échapper à la loi.
La loi, dite « C-18 », entend contraindre les géants du Web à négocier des ententes financières avec les médias canadiens dont ils diffusent les contenus. Selon le gouvernement, elle vise à rééquilibrer le rapport de force entre des acteurs ultrapuissants, type Meta ou Google, qui concentrent à eux seuls 80 % des revenus publicitaires en ligne au Canada, et des médias traditionnels en crise, affaiblis par la révolution numérique et les nouvelles habitudes de consommation de l’information prises par les citoyens.
« Coup de bluff »
Plus de 450 radios, télés et journaux canadiens ont fermé leurs portes depuis 2008, 20 000 journalistes ont perdu leur emploi, affirme le ministère en charge du secteur de la communication. Mais, arguant que les contenus d’actualité ne représentent que 2 % à 3 % des échanges globaux de leurs plates-formes, Meta et Google refusent de négocier des indemnisations avec chacun des quelque 700 organes de presse, municipaux, régionaux ou nationaux protégés, à terme, par ce cadre législatif.
La nouvelle législation canadienne est directement inspirée d’une loi, la première du genre, adoptée par l’Australie en 2021. A l’époque, en guise de protestation, Facebook avait immédiatement banni l’information de sa plate-forme, mais en quelques jours seulement, l’entreprise et le gouvernement australien avaient finalement trouvé un compromis, permettant à celle-ci d’échapper à toute sanction en échange d’accords en espèces sonnantes et trébuchantes passés avec les organes de presse locaux, dont le puissant groupe News Corporation, du magnat Rupert Murdoch. Les autorités canadiennes veulent donc croire que le « coup de pression » de Meta à leur encontre, n’est qu’un « coup de bluff ». Elles espèrent un dénouement identique à celui de l’Australie, voir les géants de la tech passer sous les fourches Caudines d’un meilleur partage des richesses.
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