« Un déni sociétal (…) partagé par les acteurs et actrices institutionel·les censé·es agir et qui restent dans l’inaction, voire la complaisance. » Le ton adopté par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pour fustiger les insuffisances de la réponse face aux dérives du porno est sévère dans son rapport qui doit être remis officiellement mercredi 27 septembre à Bérangère Couillard, la ministre déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes. Les propositions de l’instance consultative, destinées à peser sur le futur projet de loi sur la régulation du numérique, sont à l’avenant.
Le HCE prend ainsi position sur le dossier déjà ancien du contrôle d’accès des mineurs aux sites pornographiques. Il souhaite donner à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le pouvoir de « bloquer les sites pornographiques ne mettant pas en place de contrôle d’âge effectif ». Malgré une loi de 2020 instaurant le principe de cette obligation, l’industrie du porno en ligne renâcle, invoquant les difficultés techniques rencontrées.
Plusieurs grandes plates-formes ont saisi le Conseil d’Etat, dont la décision sera déterminante pour ce dossier. Une expérimentation est en cours au niveau français, avec une validation par l’empreinte de carte bancaire, mais gouvernement et industriels se renvoient la balle sur la définition d’un « référentiel technique » fixant les obligations des sites.
Le HCE se penche également sur les contenus pornographiques eux-mêmes. Outre le souhait d’« étendre le pouvoir de police administrative » de la plate-forme de signalement Pharos, sous « supervision et contrôle » de l’Arcom, il émet une série de recommandations ambitieuses. Ainsi, afin de limiter les effets du « revenge porn » (vidéos intimes mises en ligne par vengeance) et de permettre aux actrices un « droit à l’oubli » lorsqu’elles ne souhaitent plus que leurs vidéos soient visibles, le HCE demande l’instauration d’un « droit de retrait simple et effectif » pour « toute personne qui le sollicite, sans autre condition que de prouver qu’il s’agit d’elle », avec un « pouvoir de blocage » de Pharos en cas de refus de la plate-forme. Vertueuse sur le principe, la mesure risque cependant de déplaire aux géants du secteur, comme Dorcel en France, qui risqueraient de voir leurs productions supprimées si un acteur ou une actrice en fait la demande.
Créer une nouvelle infraction
Le HCE préconise également de créer « une infraction générique d’exploitation sexuelle incluant les nouvelles formes de cyberexploitation sexuelle », qui ferait pendant à la notion de proxénétisme, mais s’appliquerait à la pornographie, notamment aux camgirls, ces femmes qui proposent des prestations sexuelles derrière leur webcam. Ce nouveau marché lucratif – que le droit français n’assimile pas à de la prostitution – attire les organisations criminelles, selon les responsables policiers cités dans le rapport.
Il vous reste 33.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.