A moins de quarante-huit heures de l’ouverture des bureaux de vote en Slovaquie, où se sont tenues, samedi 30 septembre, les élections législatives, l’enregistrement était explosif. On y entend le chef de file du parti centriste et pro-européen Slovaquie progressiste, Michal Simecka, converser avec une célèbre journaliste d’investigation de la façon dont « le vote rom » va être « manipulé » pour favoriser sa candidature. Diffusé abondamment sur les réseaux sociaux, cet enregistrement était faux, utilisant des voix générées par intelligence artificielle, mais de nombreux utilisateurs y ont cru.
La vidéo a été retirée par Facebook et TikTok quelques heures après avoir été mise en ligne, mais elle a été partagée plusieurs milliers de fois. « Il était très difficile de démentir cet enregistrement, car on n’avait pas le droit d’écrire quoi que ce soit sur la campagne », explique Filip Struharik, rédacteur en chef et spécialiste de la désinformation pour le site Dennik N. Selon lui, « c’est la première fois qu’on a eu affaire à des deep fakes avec une telle audience en Slovaquie ».
La campagne a débouché sur la victoire du national-populiste prorusse Robert Fico et de son parti, Smer, avec 23 % des voix. Même si rien n’indique qu’il soit derrière les faux enregistrements qui ont visé ses adversaires pro-européens, cet adepte des théories du complot a profité des innombrables messages de désinformation aux connotations prorusses, anti-immigrés ou anti-LGBT qui ont déferlé sur l’Internet slovaque. La commissaire européenne aux valeurs et à la transparence, la Tchèque Vera Jourova, a même parlé après le scrutin de « vague de désinformation sans précédent (…) provenant de l’extrême droite, mais aussi de sources pro-Kremlin ».
Proies faciles pour les spécialistes de la désinformation
Entré en vigueur en août, son Digital Services Act (DSA) avait pourtant pour objectif de lutter contre la désinformation dans l’Union européenne (UE) en forçant les réseaux sociaux à mieux réguler les contenus. Les élections slovaques avaient été érigées en premier « test ».
Avec un taux de confiance dans les théories du complot parmi les plus élevés en Europe, les 5,5 millions de Slovaques ont en effet été identifiés depuis longtemps comme des proies faciles pour les spécialistes de la désinformation. Selon un sondage du cercle de réflexion Globsec, 52 % d’entre eux estimaient en 2018 qu’il « existe des sociétés secrètes qui contrôlent l’évolution des événements dans le monde et tentent de créer un ordre mondial totalitaire ».
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