On connaissait Michel Cymes, le médecin ORL cathodique, devenu multimillionnaire grâce à ses émissions, ses livres et ses conférences sur le thème de la santé. C’est désormais au tour des kinésithérapeutes de prendre la lumière, propulsés dans l’arène de la création de contenu sur les réseaux sociaux avec leurs tutos pour soulager ses douleurs, travailler sa souplesse ou trouver la motivation pour se mettre au sport. Tout cela sur un ton léger, jouant la carte de la proximité. Parfois pour le pire.
« Je dois être le seul influenceur avec qui on peut prendre un rendez-vous en tête-à-tête sur Doctolib », déplore Major Mouvement (776 000 followers), de son vrai nom Grégoire Gibault, dans une vidéo où il expliquait, en juin, les raisons de sa pause professionnelle. La cause avancée : des fans, souvent sans véritables symptômes, qui débarquent dans son cabinet pour le rencontrer, comme on accourt auprès d’un gourou thaumaturge. « Certains patients regardent juste le nombre de followers, pour eux c’est un gage de confiance, ça vaut plus que des diplômes. Ils sont parfois dans une telle souffrance qu’ils m’accordent une confiance aveugle », regrette-t-il.
Dépassé par l’engouement qu’il dit avoir provoqué malgré lui, il est passé en quelques années d’un quotidien de kinésithérapeute ordinaire dans un cabinet à Toulouse à chroniqueur dans l’émission « Antidote », le talk-show santé lancé par Michel Cymes sur France 2, et créateur de contenu sur YouTube et Instagram, réseaux sur lesquels il cumule huit millions de vues chaque mois. Son premier livre, 10 clés pour un corps en bonne santé, publié aux éditions Marabout en 2020, s’est vendu à plus de 180 000 exemplaires. Après cinq mois de pause, il reprend son activité en cabinet, où il pratique désormais en « non conventionné » (décision qu’il justifie par la durée de l’intervention : une heure trente, face aux trente minutes prévues par la convention), à 120 euros la séance. « Si les kinés influenceurs arrêtent de pratiquer, ils perdent en légitimité », assure Goulven Cornec, son agent, cofondateur de l’agence d’influence Fraich’Touch, qui accompagne les professionnels pour gérer la notoriété et leur garantir un modèle économique viable.
Lever les tabous
Fini les forums préhistoriques ou les conclusions anxiogènes de Doctissimo. Pour parler santé et lever les tabous, les réseaux sociaux font aujourd’hui partie des canaux prioritaires. Deux milliards de contenus visionnés sur YouTube étaient liés à la santé en 2021, parmi lesquels : « Bien dans votre corps : soulagez vos douleurs par le mouvement », de Monsieur Clavicule ; « Mes petites routines : sexualité sans stress et sans complexes », d’Estelle Bertrand, dite « Estelle Kiné » ; « In périnée we trust », par Sab, ex-Princesse Périnée… Le réseau social a d’ailleurs lancé YouTube Health, une communauté de créateurs agréés qui diffusent des contenus médicaux, en association avec l’agence publique britannique National Health Service, pour lutter contre les « fake med », des « fake news » dans le milieu de la santé. En janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a convoqué plusieurs influenceurs du domaine, dont des kinésithérapeutes français, pour échanger sur la pertinence de la vulgarisation médicale en ligne. « C’est un phénomène transprofessionnel, il y a des créateurs de contenu chez les médecins, les dentistes, les gynécologues… Mais le plus suivi en France est un kiné, c’est Major Mouvement », explique Frédéric Srour, kinésithérapeute élu du conseil de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, chargé de la déontologie.
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