Ce n’est pas facile de faire du matériel. Valve a tenté sa chance à plusieurs reprises avec les Steam Controller, Steam Machines ou encore le boîtier Steam Link, mais rien à faire, ces divers essais n’ont jamais eu les résultats espérés par l’éditeur et développeur de jeux.
Et puis le miracle est arrivé : en février 2022, l’entreprise lance le Steam Deck, une console portable autour de laquelle s’est greffée une véritable communauté, attirée par la possibilité de jouer à de « gros » jeux PC, aux titres indés du moment et aux vieilles gloires du passé en mobilité, le tout à un prix « raisonnable ».
La première génération a fait mouche avec ses performances très convenables, des mises à jour régulières qui ont permis à l’appareil de prendre en charge du mieux possible les nouveaux jeux, et une flexibilité aussi bien en termes matériel que de logiciel. Il est relativement facile de remplacer des composants comme le SSD ou la batterie, tandis que le système d’exploitation SteamOS autorise la bidouille, ouvrant ainsi un boulevard aux fans de retro-gaming.
Le succès du Steam Deck a fait des émules et plusieurs constructeurs se sont lancés à l’assaut de ce marché naissant avec des propositions plus puissantes, et aussi plus chères, comme le ROG Ally d’Asus. Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que Valve réagisse à cette concurrence avec une nouvelle version de sa console qui corrige tous les défauts de la première génération — et creuse de nouveau l’écart avec les poursuivants.
Une console, un PC, ou les deux
De l’extérieur, le Steam Deck OLED ressemble comme deux gouttes d’eau à la version LCD. Les joueurs adeptes de la première version ne seront pas dépaysés en prenant en main ce nouveau modèle, si ce n’est peut-être au niveau du poids : 640 g, au lieu de 669. 29 grammes de moins, ça n’est rien et pourtant, en main, on peut effectivement sentir une petite différence. Tout ce qui peut alléger ce gros bébé est de toute façon bon à prendre !
Le design en lui-même ne change pas, tout comme les finitions. C’est entendu, on est loin des appareils aux matériaux haut de gamme et ultra-fins. Le revers positif de la médaille, c’est que la conception du Steam Deck facilite grandement les réparations et le remplacement des composants internes. L’édition OLED comprend tout de même un changement important : le bouton d’allumage est orange plutôt que noir ! Il est plus facile de le repérer.
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Le Steam Deck OLED reprend donc de son prédécesseur les deux sticks analogiques, la croix directionnelle et les boutons ABXY, les deux pads tactiles, les quatre gâchettes et les quatre boutons au dos. Ces contrôles sont configurables en fonction des jeux, même si par défaut le Steam Deck va faire son possible pour qu’on puisse jouer sans effort particulier ni réglages à bidouiller.
Globalement, les commandes de la nouvelle console répondent de façon similaire au précédent modèle. Néanmoins, Valve a procédé à de nombreux ajustements et améliorations (pour les sticks analogiques, les touchpads, les gâchettes…) qui mis bout à bout rendront l’expérience en jeu plus agréable. C’est le cas des retours haptiques des deux zones tactiles qui offrent effectivement de bien meilleures sensations.
C’est simplement dommage que Valve n’en ait pas profité pour intégrer des sticks à effet Hall : cette technologie, qui troque les éléments mécaniques par un système magnétique, élimine complètement le pénible drift qui peut survenir avec le temps. Peut-être pour la prochaine version…
Les boutons de volume demeurent en place (ils sont ronds et impossibles à louper), la console conserve la sortie audio jack 3,5 mm et le port USB-C (USB 3.2 gen2, jusqu’à 10 Go/s) qui sert essentiellement à la recharge de la batterie. Valve a d’ailleurs le bon goût de fournir un adaptateur USB Power Delivery pour la recharge rapide de 45W, avec un câble de 2,5 m — soit 1 m de plus que le précédent modèle. Parfait pour jouer à l’aise dans le canapé ! Un port microSD est également disponible.
Indéniablement, le Steam Deck est un appareil encombrant, comparé à un smartphone ou à une Switch. Toutefois, la prise en main est confortable et bien pensée, les boutons tombent aisément sous les doigts (y compris ceux placés au dos de l’appareil). Des joueurs pourront regretter que Valve n’ait pas revu le positionnement des sticks par rapport à la croix directionnelle et aux boutons ABXY. On retiendra surtout que le moulage des extrémités du Steam Deck est bien plus agréable et naturel que les Joy-Con de Nintendo.
Pleins feux sur l’écran OLED
L’écran OLED de ce nouveau Steam Deck est évidemment le composant vedette de l’appareil. Lumineux et coloré, c’est un régal pour les yeux à chaque fois qu’on allume la console ! Les couleurs sont vives et éclatantes, notamment en HDR avec sa luminosité de pointe de 1 000 nits ; en SDR, ce n’est pas mal non plus (600 nits). Dans les deux cas, c’est davantage que la dalle LCD du premier Steam Deck qui monte jusqu’à 400 nits.
Sur des jeux très colorés, à l’image de Cyberpunk 2077 qui met le paquet sur les néons, c’est un plaisir de déambuler dans Night City et jouer le touriste, surtout la nuit ! En repassant sur le Steam Deck LCD, c’est le dur retour à la réalité des couleurs un peu délavées. Autre bonus intéressant : jouer en plein soleil devient un peu plus facile, on plisse moins les yeux pour essayer de discerner ce qui se passe à l’écran.
Quand un jeu prend en charge le HDR, un petit tour par les réglages rapides (accessibles depuis le bouton … de la console) permet de s’assurer que le standard est bien activé grâce à une icône « HDR » qui apparait à côté de la jauge de luminosité. Si ce n’est pas le cas, il faudra peut-être se rendre dans les réglages du jeu pour activer le HDR. Ce n’est pas le cas de tous les jeux, même si la liste s’agrandit de jour en jour.
L’OLED est aussi synonyme de contraste infini, en l’occurrence il dépasse les 1 000 000:1. Par conséquent, les noirs sont extrêmement profonds et pour cause, la LED est tout simplement éteinte. L’effet est saisissant, en particulier en comparaison avec un Steam Deck LCD — rien de plus logique évidemment, mais cela confirme que pour le jeu (tout comme pour le cinéma) il n’y a pas mieux que l’OLED pour le moment.
Le nouveau Steam Deck bénéficie également d’une meilleure reproduction des couleurs puisqu’il couvre l’intégralité de l’espace colorimétrique DCI-P3, qui offre une plus grande gamme de couleurs que le sRGB plus traditionnel. Si l’écran est un poil plus grand que son prédécesseur (7,4 pouces, contre 7 pouces), le constructeur n’en a pas profité pour augmenter la définition : on reste sur du 1 280 x 800. Mais après tout, personne n’a besoin de la 4K ou même du 1440p sur un tel écran — sans oublier la problématique de la consommation d’énergie.
Un écran plus grand avec une définition similaire, cela signifie que la résolution est plus faible : là où le Steam Deck LCD affiche une résolution de 215 pixels par pouce, la nouvelle génération se contente de 203 ppp environ. Le premier est proche de se qualifier pour le terme « Retina » popularisé par Apple, c’est à dire qu’il est impossible de discerner les pixels à l’œil nu ; le second s’en éloigne plus franchement. Néanmoins, il faut tout de même s’accrocher pour déceler un pixel, y compris de près.
Ce qu’on perd (un peu) d’un côté, on le gagne de l’autre : mine de rien, ces 0,4 pouce de plus représentent un gain d’affichage de 12 %. Les textes sont légèrement plus grands, une bénédiction dans les jeux qui ne pensent pas aux joueurs ayant des problèmes de vue !
Autre argument de vente pour le Steam Deck OLED : son écran peut filer jusqu’à 90 images par seconde, contre 60 Hz sur la version LCD. Tous les jeux ne vont pas jusqu’à cette fréquence d’images, ce sont souvent avec les titres moins exigeants que l’on peut en profiter (même calé sur les réglages graphiques les plus légers, Forza Horizon 5 a flirte avec les 60 FPS).
Par ailleurs, la différence entre 60 et 90 Hz peut ne pas sauter aux yeux. Néanmoins, sur certains titres où les réflexes sont mis à rude épreuve, comme les jeux de tir, ce surcroît de FPS n’est pas négligeable, si on peut l’atteindre avec la console.
Pour autant, l’écran LCD du Steam Deck originel n’est pas un mauvais bougre. Il l’est d’autant moins depuis la mise à jour 3.5.5 de SteamOS, qui a ajusté le rendu des couleurs de la dalle pour émuler la palette de couleurs sRGB. Deux réglages sont disponibles, le premier pour modifier la température de couleur jusqu’à 11 000K (c’est froid). Le second réglage permet de pousser le bouchon de la saturation des couleurs jusqu’à atteindre un mode « Intense » qui booste le rendu, au risque de le rendre un peu artificiel en fonction des jeux.
Évidemment, ces artifices logiciels ne transforment pas comme par magie un écran LCD en OLED ; mais les résultats n’en demeurent pas moins impressionnants, et les utilisateurs de Steam Deck LCD n’ont finalement pas à rougir tant que ça face à leurs camarades équipés du modèle OLED. Cela montre au passage que Valve n’en a pas terminé avec la première génération de sa console, et c’est tant mieux !
Une autonomie qui s’améliore franchement
L’autonomie est le talon d’Achille des consoles PC. Les jeux récents sont très gourmands et pompent sur la batterie à vitesse grand V, que ce soit sur un Steam Deck, un ROG Ally ou n’importe quel autre appareil. Il ne faut donc pas s’attendre à un miracle, mais on peut quand même saluer l’excellente performance du Steam Deck OLED qui, sur un titre exigeant comme Cyberpunk 2077, a tenu 2 heures et 33 minutes, contre 1 heure et 49 minutes sur un Steam Deck LCD.
Ça n’a pas l’air exceptionnel dit comme ça, mais cela représente tout de même un gain substantiel de 40 %, à conditions de jeu équivalentes ! Sur des jeux plus anciens ou en rétro-gaming, il est possible d’obtenir bien plus d’autonomie.
Pour arriver à ce résultat somme toute très solide, Valve a multiplié les astuces, la première d’entre elles étant évidemment une batterie avec une capacité plus importante : 50 Wh, au lieu de 40 Wh sur le premier modèle. Cette augmentation de 25 % tout de même ne fait pas tout : l’écran OLED est plus économe en énergie (un pixel noir ne consomme rien) et la gravure en 6 nm de l’APU permet aussi de gratter quelques pourcentages de batterie supplémentaires.
Le constructeur annonce de 3 à 12 heures d’autonomie pour l’édition OLED, contre 2 à 8 heures pour la version LCD. Obtenir le maximum promis, que ce soit sur la première ou la seconde console semble quelque peu irréaliste à moins de jouer à Pong ; néanmoins, en baissant quelques taquets graphiques et en n’abusant pas de la luminosité il sera possible d’atteindre le minimum annoncé avec les jeux les plus gourmands.
Une console qui fait du bruit (mais moins)
Le Steam Deck OLED est bourré de petits changements ici et là, Valve ayant profité de l’occasion pour apporter des améliorations discrètes mais bienvenues. C’est le cas du système de refroidissement actif : le module thermique — le ventilateur — est plus gros, et ses performances sont à l’avenant.
Cela signifie que l’édition OLED est moins bruyante lorsque le ventilo turbine, et ce sera un soulagement pour tous les joueurs qui aiment jouer la nuit sans déranger leur compagnon de lit ! La console produit un bruit d’environ 50 décibels, soit quelque chose comme 7 à 9 dB de moins que le précédent modèle. Pas la peine d’augmenter le volume pour couvrir le bruit de la machinerie !
Ça n’a l’air de rien, mais cette poignée de décibels est la différence entre le supportable et le franchement désagréable. Rien que cette amélioration pourrait pousser certains possesseurs du Steam Deck original à craquer pour l’OLED !
Une connectivité de pointe
Sur les questions de connectivité, Valve ne fait aucun compromis et c’est tant mieux. Le Steam Deck OLED est ainsi compatible avec le Wi-Fi 6E, un standard qui s’impose de plus en plus sur le marché, que ce soit dans les ordinateurs traditionnels, les portables ou les smartphones. Cela signifie qu’en plus des bandes de fréquence 2,4 GHz et 5 GHz, la console peut accrocher les fréquences dans la bande des 6 GHz.
Il faut évidemment bénéficier d’un routeur qui soit compatible pour bénéficier des atouts du Wi-Fi 6E — à savoir une latence réduite et des performances en hausse. Mais même pour ceux qui ne possèdent pas encore le matériel adéquat, cette compatibilité rassure pour l’avenir car le standard finira par s’imposer un peu partout. Et c’est aussi une amélioration significative par rapport au précédent Steam Deck qui se contente, si on peut dire, du Wi-Fi 5.
L’autre bonne surprise dans ce domaine, c’est le support du Bluetooth 5.3 (en lieu et place du Bluetooth 5.0 du Deck originel) et de la présence d’une troisième antenne placée dans la partie supérieure de la console. La connexion avec un casque ou une manette, ou des deux à la fois, est bien plus stable, y compris lors de l’utilisation de l’appareil sur une station d’accueil, branchée à un moniteur externe. Les déconnexions sont fréquentes et pénibles sur le premier modèle, c’est beaucoup moins le cas avec le petit nouveau.
Des performances toujours au rendez-vous
Contrairement aux modèles concurrents qui fonctionnent sous Windows, le Steam Deck est un pur produit Linux ! La console fonctionne en effet sous SteamOS 3, qui s’appuie sur Arch Linux, une distribution connue pour sa philosophie de « rolling release » — autrement dit, elle permet des mises à jour en continu. Et Valve sait parfaitement exploiter ces capacités : les mises à jour logicielles sont en effet très fréquentes et apportent régulièrement des améliorations dans la prise en charge des jeux.
Les nombreux jeux compatibles avec le Steam Deck — une bonne partie du catalogue disponible sur Steam — sont moulinés par Proton, une couche de compatibilité qui permet l’exécution de jeux Windows sur SteamOS. Techniquement parlant, Proton traduit et convertit les appels de l’API DirectX en appels Vulkan qui sont pris en charge sous Linux.
L’interface du Steam Deck reprend celle du mode Big Picture de Steam, un design qui facilite la navigation avec une manette et qui est parfaitement adapté à ce type d’appareil. Un ROG Ally ou une Legion Go est bien plus difficile à manœuvrer, Windows n’étant pas optimisé pour les petits écrans. Microsoft travaille sur un lanceur spécifique pour les consoles PC (l’app Xbox s’est légèrement améliorée sur ce point), mais en attendant, l’utilisateur qui ne veut pas se prendre la tête pour installer un jeu et le lancer ne trouvera rien de mieux que le Steam Deck à l’heure actuelle.
L’appareil comprend en outre un bouton Steam qui ouvre un panneau de navigation vers les principales sections de la console. Il y a aussi un bouton … pour accéder aux réglages rapides : modification de la luminosité, du volume, activation du mode avion, accès aux notifications, aux bandes-son… Surtout, ce bouton permet aussi de modifier à la volée les performances en jeu. On peut ainsi limiter la fréquence d’images et patouiller dans différents réglages pour tirer le maximum de jus de la batterie.
SteamOS est une chose, mais Valve ne bloque pas l’utilisateur dans cette interface. À tout moment il peut en effet basculer vers le mode bureau pour accéder à KDE Plasma. Cet environnement de bureau permet d’installer des logiciels comme on le ferait sur un ordinateur classique. Et si tout cela ne vous satisfaisait pas, le Steam Deck peut également accueillir Windows !
Les performances sont généralement au rendez-vous, y compris donc pour les jeux gourmands. Bien sûr, il convient de garder la tête froide : le circuit graphique utilisé par Valve (il comprend 8 unités de calculs sous architecture RDNA 2 d’AMD) développe 1,8 téraflop, c’est l’équivalent de la PS4. Pas si mal donc, et c’est ce qui explique pourquoi les jeux de cette génération fonctionnent si bien : c’est le cas de Spider-Man, de Devil May Cry 5 ou God of War !
Pour les titres plus récents comme Starfield ou Baldur’s Gate 3, c’est plus compliqué niveau performances. Il faut alors accepter des sacrifices sur le plan graphique pour que ces jeux soient praticables… mais ce n’est pas impossible pour autant.
Valve combine ce circuit graphique avec un processeur AMD dans système-sur-puce APU (Accelerated Processing Unit) adapté aux systèmes compacts et qui peut fonctionner avec une puissance allant de 4 à 15 W. SteamOS donne l’opportunité au joueur de modifier le nombre de watts mais gare, les jeux exigeants ont généralement besoin du maximum. Le CPU ne change pas, il s’agit d’un Zen 2 à 4 cœurs et 8 threads dont la cadence peut filer jusqu’à 3,5 GHz.
Le gros changement du Steam Deck OLED est la gravure de l’APU : on passe de 7 à 6 nm. Certes, c’est peu de choses dans l’absolu, mais ce node plus petit est synonyme de gain en autonomie. Le constructeur a également jeté son dévolu sur de la RAM LPDDR5 plus rapide, les 16 Go intégrés passent de 5 500 MT/s à 6 600 MT/s (millions de cycles de lecture ou d’écriture par seconde). Entre cette gravure et cette mémoire vive plus véloce, il n’est pas impossible de gratter quelques images par seconde supplémentaire sur certains jeux.