Les autorités britanniques ont vivement critiqué, jeudi 7 décembre, la décision de Meta de commencer à mettre en œuvre le chiffrement par défaut des conversations sur Messenger, la messagerie de Facebook, rapporte le quotidien The Guardian. Responsables politiques et enquêteurs ont accusé l’entreprise américaine d’affaiblir la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs.
S’il est possible depuis 2016 d’envoyer des messages chiffrés par le biais de l’application, illisibles par une personne tierce, y compris par Meta, cette option devait jusque-là être activée manuellement. L’entreprise a cependant annoncé mercredi fonctionner désormais de façon inverse, en proposant le chiffrement par défaut. Il faudra cependant attendre un peu pour que tous les utilisateurs bénéficient de ce nouveau mode de fonctionnement pour leurs messages et leurs appels, le chiffrement étant instauré graduellement.
Les conversations de groupe restent pour l’instant exclues de ce chiffrement par défaut, tout comme les messages privés envoyés sur Instagram, l’entreprise ayant expliqué cet été que ce processus prendrait davantage de temps.
Une bataille politique
Déjà mis en place sur la messagerie WhatsApp (qui appartient à Meta), disponible également sur de nombreuses messageries concurrentes comme Signal ou iMessage, le chiffrement par défaut est un sujet très conflictuel qui oppose les géants du numérique aux autorités de nombreux Etats. Les messages étant inaccessibles à toute personne extérieure à une conversation, l’entreprise ne peut en effet pas les communiquer aux autorités, y compris dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Seule exception : qu’un des participants signale de lui-même un ou plusieurs messages à Meta.
« Les forces de l’ordre, les ONG et nos partenaires internationaux s’accordent sur le fait que ce projet de déployer le chiffrement de bout en bout sans prendre de mesures de sécurité appropriées protégera les prédateurs et portera atteinte à la capacité de la police » à lutter contre les violences sexuelles sur mineurs, a affirmé, jeudi, le ministre de l’intérieur britannique, James Cleverly. La patronne de l’ONG Internet Watch Foundation, Susie Hargreaves, est allée plus loin en affirmant que « Meta a[vait] choisi de donner la priorité à la protection de la vie privée des pédophiles plutôt qu’à la sécurité de nos enfants », rapporte The Guardian. De son côté, Meta a assuré que des mécanismes avaient été mis en place pour détecter certains comportements suspects sans « scanner les messages privés ».
Cette nouvelle passe d’armes s’inscrit dans un contexte politique particulier au Royaume-Uni, puisque le Parlement a voté à l’automne un texte controversé qui pourrait permettre au gendarme des télécommunications national (Ofcom) d’imposer aux grandes plates-formes la détection automatique de certains contenus, dont les images d’abus sexuels sur mineurs. Comme le souligne le site spécialisé The Record, le projet de loi a été largement amendé et s’annonce très difficile à appliquer, mais il avait initialement suscité une levée de boucliers de certains géants du Web, qui avaient alerté sur le risque que ferait peser un système de détection automatique sur la vie privée des utilisateurs.