« C’est un accord historique. C’est la première fois que nous créons un cadre de droits sociaux pour des millions de travailleurs en Europe, qui sont parmi les plus précaires », résume Elisabetta Gualmini, eurodéputée sociale-démocrate italienne et rapporteuse d’une directive visant à renforcer les droits des travailleurs indépendants des plates-formes (Uber, Deliveroo…).
Mercredi 13 décembre, les négociateurs du Conseil de l’Union européenne et du Parlement sont arrivés à un accord. Ce texte prévoit notamment une « présomption de salariat », censée faciliter les démarches pour les individus qui souhaitent être considérés comme salariés.
Aujourd’hui, c’est à l’autoentrepreneur de prouver qu’il existe un lien de subordination entre lui et la société qui le paie. Depuis 2018, de nombreux chauffeurs VTC ou livreurs à vélo ont obtenu leur requalification en justice, partout en Europe. La directive cherche à harmoniser le statut de ces travailleurs atypiques à l’échelle du continent.
5,5 millions de personnes seraient concernées
Cet accord intervient deux ans après la première version du texte. Dans leur première proposition, les eurodéputés souhaitaient obtenir une présomption simple, signifiant que n’importe quel travailleur pouvait être reconnu salarié en en faisant la demande. « Ces indépendants ont les inconvénients du statut de salarié sans en avoir les avantages (congés payés, salaire minimum), estime Leïla Chaibi, eurodéputée française (La Gauche au Parlement européen) et vice-présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement. Nous voulions nous rapprocher du modèle espagnol, qui impose le salariat pour les livreurs de repas. »
Finalement, si un travailleur veut être considéré comme salarié, il devra correspondre à deux indicateurs parmi cinq – qui pourraient encore être légèrement modifiés, selon Mme Chaibi : « Si la rémunération est fixée par la société, si cette dernière supervise les performances de travail par un moyen électronique, si elle détermine l’allocation des missions, si elle limite la possibilité du travailleur de constituer son propre portefeuille de clients et si elle limite sa possibilité d’organiser librement son travail. » Contrairement aux procédures actuelles, c’est la société qui devra apporter la preuve que le travailleur est bien indépendant.
« Ce n’est pas trop mal de ne retenir que deux conditions, certains poussaient pour qu’il y ait davantage de critères, réagit Kevin Mention, avocat qui a obtenu en justice les requalifications de nombreux livreurs et chauffeurs. Déjà, le critère selon lequel c’est l’application qui gère le travail est quasi systématiquement rempli dans nos dossiers. » Selon le Parlement européen, 5,5 millions de personnes seraient concernées par au moins deux indicateurs sur cinq, sur un total de 28 millions de travailleurs de plates-formes sur le continent.
Il vous reste 45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.