Serons-nous remplacés par des machines à mesure que se déploient ChatGPT et les autres systèmes d’intelligence artificielle générative (IAG) ? Les premières annonces de licenciements massifs, « officiellement » justifiés par le coût moindre des solutions algorithmiques, inquiètent à juste titre : le progrès technologique nous fait-il revivre cent ans plus tard la désertification des campagnes, les salariés d’aujourd’hui faisant écho aux paysans d’hier ?
Une partie de la réponse semble malheureusement cachée dans la question : oui, les transformations technologiques modifient la structure du travail, et une transition mal effectuée peut se révéler dramatique pour les générations (et les écosystèmes) qui la subissent.
Elle peut toutefois s’accompagner en filigrane de très forts progrès sociaux, d’une baisse de la pauvreté et des inégalités, d’un renforcement des libertés individuelles et des loisirs. Qui souhaiterait réellement que notre structure économique et sociale soit encore celle de la IIIe République ? Soixante pour cent des métiers d’aujourd’hui n’existaient pas en 1945, et 85 % de la croissance de l’emploi est liée aux progrès technologiques.
Une simple adaptation
Nous ne sommes pas voués à être remplacés par des machines, aussi « intelligentes » soient-elles. Une étude de l’université de Pennsylvanie et d’OpenAI a montré que si 80 % des emplois peuvent être affectés par le déploiement de l’IAG, des grands modèles de langage ou de génération d’image, en réalité, au sein de ces emplois, en moyenne seules 10 % des tâches effectuées sont concernées.
La plupart des métiers ne connaîtront qu’une simple adaptation, potentiellement très positive : selon une expérimentation de la Harvard Business School sur les consultants du Boston Consulting Group, les employés peuvent, grâce à l’IAG, accomplir 12 % de tâches supplémentaires, 25 % plus rapidement, avec une amélioration de 40 % de la qualité. Ces résultats ne se limitent pas aux travailleurs dits « cognitifs ».
Une étude récente de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à laquelle le Metalab de l’Essec a contribué pour la partie française, a montré que tous les secteurs sont touchés par l’IA, y compris le secteur manufacturier : les opérateurs de chaînes de montage bénéficient par exemple grandement, dans leur travail de maintenance, de la qualité des prédictions de pannes fournies par l’IA.
Une entreprise à vision très court-termiste, ou « myope », pourrait en déduire qu’il est possible, grâce à l’IAG, de faire mieux avec moins de monde, et donc procéder à des licenciements.
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