L’entreprise OpenAI, au coeur de la nouvelle révolution de l’IA de ces derniers mois, pourrait se retrouver de nouveau au coeur de la tempête. Après une année 2023 agitée qui a vu l’aller-retour rapide de Sam Altman à sa tête et une emprise renforcée de Microsoft qui interroge les régulateurs, elle doit faire face à une nouvelle menace.
Elle vient cette fois d’Elon Musk, qui a initialement cofondé OpenAI avant de s’en détourner, avec une plainte contre la firme et son dirigeant. Son motif : avoir abandonné la quête d’un développement de l’intelligence artificielle pour le bien de l’humanité pour se tourner vers le profit à tout prix.
Pour rappel, OpenAI est à l’origine une association à but non lucratif, dont les statuts sont devenus par la suite ceux d’une entreprise à but lucratif plafonné. Elon Musk accuse l’entreprise d’avoir abandonné ses principes fondateurs pour une recherche de profit sous l’influence de Microsoft qui a investi plus de 10 milliards de dollars dans OpenAI et utilise son modèle de langage GPT dans ses propres produits et services.
OpenAI, du non lucratif au très, très lucratif
Le milliardaire a déjà régulièrement critiqué OpenAI pour cette transformation progressive qui dénature le projet initial et pour le pillage des contenus de son réseau social X afin d’entraîner les modèles d’IA.
On notera qu’Elon Musk lui-même a mis en place une intelligence artificielle avec le robot conversationnel Grok via sa nouvelle entreprise xAI entraîné sur les contenus du réseau social X.
Avec cette plainte, il en rajoute une couche en demande un retour d’OpenAI à ses fondamentaux, notamment en ouvrant le modèle de langage GPT-4 dont seuls OpenAI et Microsoft connaissent les entrailles, et ce pour des raisons commerciales.
Le mélange des genres, avec une partie de la structure de l’entreprise devenue à but lucratif, est l’une des causes d’agacement d’Elon Musk qui accuse OpenAI de jouer sur les deux tableaux et d’avoir basculé sous le contrôle de Microsoft qui aura même une place d’observateur au conseil d’administration.
Ses statuts sont spécifiques au marché américain avec une structure lucrative mais qui doit respecter la mission première d’être au service du bien de l’humanité, avant de remplir les poches des actionnaires.
L’IA, bénéfice pour l’humanité ou prochaine catastrophe mondiale ?
Cette présence non négligeable de Microsoft intrigue également les régulateurs qui soupçonnent une prise de contrôle d’OpenAI qui ne dit pas son nom et évite au groupe de Redmond de passer par un processus d’acquisition que les autorités antitrust pourraient faire capoter au bout de plusieurs trimestres.
Dans le même temps, Elon Musk accuse le robot ChatGPT (qui exploite le LLM GPT-4) de diffuser une idéologie woke et politiquement correct. Ne pas tomber dans ce biais est l’une des raisons d’être du chatbot Grok qui préfère mettre en avant la liberté d’expression avec une pointe d’humour pour l’enrober…et dont la mécanique interne est tout aussi fermée que celle de GPT-4…
Alors que l’intelligence artificielle est plus que jamais une affaire de très gros sous (il faut de puissants composants électroniques dédiés par milliers et des infrastructures cloud étendues pour faire fonctionner les modèles d’IA) et est en train de faire les prochains hyper-milliardaires, c’est aussi un avenir de l’humanité qui se joue, tant les ramifications de l’IA pourront s’infiltrer partout dans la vie quotidienne comme professionnelle.
Tout ceci n’est pas sans rappeler le cas de Mistral AI, l’entreprise française qui a le vent en poupe et qui s’est fait connaître en vantant les mérites d’une IA open source et suivant les préceptes européens en matière de développement d’IA…avant d’annoncer un modèle d’IA fermé et hébergé dans les infrastructures cloud de..Microsoft (encore, d’où les craintes grandissantes de main-mise du groupe de Redmond sur le marché de l’IA).
Tandis que le gouvernement français tente de faire bonne figure, Bruxelles est plutôt outrée de ce revirement qui s’est fait en toute discrétion et qui souligne toute l’ambiguité de l’intelligence artificielle, entre déclarations d’intention et implacable logique économique.