Trois géants de la pornographie en ligne contestent devant le tribunal de l’Union européenne (UE) une série d’obligations, notamment en matière de transparence, découlant d’une décision de la Commission européenne, a révélé Politico jeudi 7 mars.
Aylo et Technius, respectivement maisons mères de Pornhub et de Stripchat, refusent leur désignation, annoncée en décembre 2023, en tant que très grandes plates-formes en ligne. Ce terme correspond à une liste d’acteurs majeurs du Web qui sont soumis, dans le cadre du Digital Services Act (DSA), à des contrôles importants et des obligations supplémentaires au regard des textes européens.
Le DSA oblige par exemple les très grandes plates-formes à mettre en place une bibliothèque publicitaire, accessible publiquement et référençant les annonceurs et publicités diffusées sur leurs sites. Ce texte impose également aux entreprises concernées de publier des données détaillées sur les moyens alloués à la modération, et notamment le nombre de personnes employées à ces fins, ainsi que les langues officielles de l’UE couvertes par les équipes de modération.
Guerre des métriques
La bataille engagée entre les leaders de l’industrie pornographiques en ligne et la Commission européenne est, entre autres, une affaire de chiffres. Les très grandes plates-formes en ligne doivent, pour être désignées comme telles, compter au moins 45 millions d’utilisateurs mensuels au sein de l’UE. Pornhub et Stripchat contestent les estimations faites par la Commission et affirment avoir un nombre de visiteurs inférieur.
Dans un communiqué transmis au journal Le Monde, Aylo argue que ses propres chiffres concernant Pornhub s’élèvent à 32 millions de « destinataires actifs » (la terminologie employée par le DSA) par mois dans l’UE. « La Commission a désigné Pornhub comme très grande plate-forme en ligne en dépit des données complètes et des explications méthodologiques que nous avons fournies pour appuyer nos chiffres », soutient l’entreprise.
Aux côtés d’Aylo et Technium, la société Xvideos est le troisième acteur à s’être lancé dans une bataille judiciaire contre l’UE. Edité par une holding tchèque fondée par deux Français, le site ne conteste pas les chiffres de l’UE. En revanche, selon les médias Contexte et Politico, il a déposé des recours visant l’obligation de transparence publicitaire imposée par le DSA. Aylo a également déposé un recours en ce sens, jugeant cette obligation « illégale ».
Le statut de très grande plate-forme pourrait devenir un véritable casse-tête pour les chefs de file de la pornographie en ligne. Car le DSA leur demande de prendre un certain nombre de mesures visant à protéger les mineurs : le communiqué de la Commission européenne, en décembre 2023, évoquait le fait d’empêcher que les plus jeunes accèdent à des contenus pornographiques, « y compris avec des outils de vérification d’âge ». Un point d’autant plus sensible qu’en France, les maisons mères des sites concernés sont engagées depuis plusieurs années dans une bataille acharnée devant les tribunaux pour contester l’obligation de mettre en place des méthodes de vérification d’âge à l’entrée.