Adopté en 2022, le Digital Services Act est aujourd’hui fréquemment invoqué par la Commission européenne pour interroger les géants des nouvelles technologies sur leur respect des obligations.
Dernier en date : Linkedin, qui a reçu cette semaine un premier questionnaire préliminaire concernant son utilisation du profilage pour afficher des publicités ciblées. Cette première étape d’investigation fait suite à une plainte déposée à la fin du mois de février par l’organisation EDRi (European Digital Rights) et d’autres associations.
LinkedIn a été désignée au mois d’avril 2023 comme « très grande plateforme en ligne », un statut prévu par le DSA pour les plateformes ou services en ligne répondant à plusieurs critères définis dans le texte et qui les soumet à toute une série d’obligations particulières. LinkedIn a maintenant jusqu’au 5 avril pour répondre aux questions de la Commission, qui décidera par la suite d’ouvrir ou non une enquête plus approfondie sur le réseau social et son respect du DSA.
Les enquêtes se corsent
Cette deuxième étape est d’ailleurs celle qui s’ouvre pour le site AliExpress : au mois de novembre 2023, la Commission avait annoncé qu’elle avait ouvert une demande d’information sur la place de marché en ligne. Elle a annoncé hier l’ouverture d’une enquête formelle portant sur de potentielles violations des obligations auxquelles AliExpress est soumise au titre du DSA.
Les enquêteurs cherchent ainsi à déterminer entre autres si AliExpress n’autorise pas la mise en vente sur sa plateforme de produits illicites comme des contrefaçons de produits pharmaceutiques, mais aussi si la plateforme offre effectivement à ses utilisateurs un moyen de recommandation des produits qui ne soit pas ciblé en fonction de leur profil ou de signaler les contenus illicites. Au total, la Commission enquête sur de possibles violations d’une dizaine d’articles du DSA de la part d’AliExpress.
En parallèle, la Commission a également annoncé avoir envoyé des questions à 6 plateformes (Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, YouTube et X) ainsi qu’à deux moteurs de recherche (Google et Bing) concernant cette fois ci leur utilisation des outils d’intelligence artificielle générative et la façon dont les entreprises entendent modérer les risques liés à ces nouvelles technologies.
Une flopée d’investigations
Dès le mois de novembre 2023, la Commission avait initié plusieurs demandes d’informations de ce type, qui n’ont pas toutes donné lieu à des enquêtes formelles. Outre LinkedIn et AliExpress, Amazon avait par exemple dû répondre à plusieurs questions de la part de la Commission au mois de novembre 2023, là aussi portant sur la mise à disposition de produits illicites sur sa place de marché et son système de recommandation.
Ce même mois de novembre 2023, la Commission avait interrogé TikTok et Youtube sur des sujets liés à la protection des publics mineurs accédant à leurs plateformes. Cette enquête préliminaire s’est soldée au mois de février 2024 par l’ouverture d’une enquête formelle visant spécifiquement TikTok.
En fin d’année 2023, Apple, Google, X (Twitter), Meta et TikTok avaient tous reçu plusieurs demandes d’informations de la part de la Commission européenne concernant leur respect des obligations du DSA. Ces investigations avaient menée à l’ouverture d’une enquête formelle visant X (Twitter) au mois de décembre.
Deux domaines, une même philosophie
Le DSA est applicable au très grandes plateformes depuis le mois d’août 2023, et son application a été étendue à l’ensemble des plateformes en ligne depuis le mois de février 2024.Contrairement au Digital Markets Act (DMA), qui se préoccupe principalement d’assurer une concurrence saine et non faussée entre les acteurs des marchés numériques, le DSA vise principalement à lutter contre la diffusion et la mise sur le marché de contenus illicites. Les deux textes ont donc des champs d’applications différents, mais un mécanisme assez similaire de désignation des entreprises concernées.
Les deux textes définissent ainsi une série d’obligations plus légères s’appliquant à l’ensemble des plateformes, mais prévoient des obligations supplémentaires visant les « très grandes plateformes » dans le cadre du DSA ou les « contrôleurs d’accès » dans le cadre du DMA, des entreprises désignées par la Commission en fonction de critère de taille et de poids sur le marché.
Dans le cas du DSA, la Commission avait ainsi désigné au mois d’avril 2023 19 acteurs répondant aux critères de Très grande plateforme en ligne ou très grands moteurs de recherche, auxquels sont venus s’ajouter Pornhub, Xvideos et Stripchat au mois de décembre 2023.