« Oh oh ! » Ce petit son guilleret habite encore les souvenirs des millions d’internautes qui ont utilisé, au tournant des années 2000, le logiciel de messagerie instantanée ICQ. Et pour cause : cet ancêtre des notifications, qui annonçait à l’utilisateur qu’un de ses correspondants venait de lui envoyer un message, provoquait déjà ce fameux rush de dopamine qui nous rend, aujourd’hui, accros à nos smartphones.
Après vingt-huit années d’existence, ICQ s’apprête à fermer. Son propriétaire, le géant russe du numérique VK, a annoncé fin mai, dans un message laconique, qu’il disparaîtrait des écrans mercredi 26 juin. Avec lui se tourne une page de l’histoire d’Internet.
ICQ a vu le jour en 1996, créée par quatre jeunes développeurs israéliens, Yair Goldfinger, Sefi Vigiser, Amnon Amir et Arik Vardi, financièrement soutenus par le père de ce dernier, Yossi Vardi. A l’époque, Internet commence timidement à conquérir le public et les téléphones mobiles sont encore rares. Un petit appareil connaît un certain succès : le pager, qui se glisse dans la poche et permet de recevoir de courts messages, mais pas d’y répondre. Les quatre amis se mettent en tête d’inventer un système pour les connecter à Internet.
Mais travailler à quatre nécessite de la coordination : ils doivent parfois se téléphoner pour signaler aux autres leur présence en ligne, racontent les journalistes Galit Hemi et Sophie Shulman dans The Israeli Mind : The Story of Israeli Innovation (2021, non traduit). L’idée évolue : ils inventent finalement ICQ (« I seek you », « Je te cherche »), un logiciel de messagerie instantanée permettant de voir qui, parmi ses contacts, est actuellement connecté.
Banal aujourd’hui, épatant à l’époque
Le concept est aujourd’hui d’une grande banalité. « Il est difficile d’imaginer aujourd’hui à quel point la possibilité de converser par écrit en temps réel avec ses proches a été une révolution dans nos façons d’interagir, explique au Monde la sociologue du numérique Valérie Beaudouin, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Soit on se parlait, soit on s’écrivait, mais se parler en écrivant, c’était vraiment inédit. » Avant ICQ, une grande partie des conversations instantanées en ligne passaient par IRC, un système de tchat plutôt réservé à un public averti, et où allaient et venaient des inconnus. ICQ, lui, permet de discuter avec des personnes de son propre réseau, que l’on choisit. Très simple d’utilisation, il va séduire les innombrables curieux qui vont débarquer sur Internet à la fin des années 1990.
Il vous reste 65.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.