« T’es ingénieure, secrétaire, photographe, monteuse, vidéaste, comptable… T’as tous les métiers du monde. » Cette phrase, résumé non exhaustif de l’activité plurielle des créatrices de contenu pornographique sur Internet, c’est Aspasie qui la prononce dans le documentaire Télétravail du sexe, diffusé au public pour la première fois en France vendredi 5 juillet au Club de l’étoile, à Paris.
Réalisé par deux professionnelles du travail du sexe en ligne, Carmina et Prune, le film suit le quotidien de cinq Françaises qui créent et commercialisent des contenus pour adultes. Une heure et douze minutes durant, elles racontent la diversité de leur activité, leurs rapports à la sexualité et les relations parfois complexes qu’elles entretiennent avec les plates-formes numériques, sur lesquelles elles évoluent et avec ceux qu’elles nomment leurs « clients ».
Le tout, et ceci est rare lorsqu’on parle de travail du sexe, sans poser de filtre sensationnaliste ou, pour reprendre le terme des réalisatrices, « victimisant », sur cette profession tant fantasmée. Au contraire, comme l’explicite Carmina au Monde : « On voulait montrer la réalité : ce que c’est au quotidien, les difficultés qu’on rencontre et les bonheurs qu’on peut trouver. »
Un métier aussi créatif que précaire
Ce regard précis et bienveillant, présent même sans voix off, c’est celui de Prune et Carmina. Elles aussi ancrées depuis dix ans dans cette activité de « télétravailleuses du sexe », les deux femmes ont commencé ce travail documentaire il y a trois ans en revendiquant de s’entourer uniquement de femmes et de personnes LGBT+. Les créatrices qu’elles ont suivies ont d’ailleurs beau répondre à des pseudonymes différents (PetiteXSirene, Swann Purple, Inopia, Aspasie, Vera Flynn), ne pas évoluer dans les mêmes créneaux ou sur les mêmes plates-formes, elles partagent au quotidien de nombreux traits communs.
Télétravail du sexe donne à voir leurs lieux de vie, toujours bien décorés et souvent peuplés d’animaux de compagnie, qui sont aussi leurs lieux de travail. C’est là qu’elles tournent leurs scènes pornographiques, là qu’elles organisent des shootings photo érotiques, là qu’elles se montrent dénudées en direct sur des sites de webcam. Là, aussi, qu’elles passent une grande partie de la journée, une main constamment vissée au téléphone, à assurer leur propre promotion sur les réseaux sociaux, à répondre aux messages des internautes ou à dresser leur comptabilité.
La diversité des profils choisis par les réalisatrices permet d’appréhender une profession que les créatrices décrivent sans détour comme épanouissante et hautement créative. Mais dont elles n’ont pas peur d’aborder, aussi, la dimension précaire. « Ça fait dix ans que je fais du travail du sexe et deux ans que j’en vis », glisse dans le documentaire Vera Flynn. Une précarité qui se situe par ailleurs dans le temps (« en tant que femme, suis-je périssable ? », se demande en substance l’une des vidéastes) et dans l’isolement social que supposent de tels choix de carrière.
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