Il y a près de vingt ans, Vincent Bolloré investissait le paysage français des télécoms avec une technologie qualifiée alors de révolutionnaire : le Wimax. Comme ce nom l’indique, ce standard de communication sans fil offrait une connexion haut débit dans une zone de couverture bien plus étendue que le Wi-Fi – de 50 à 70 kilomètres – avec un niveau de sécurité accru. Le Wimax se posait alors comme une alternative à l’ADSL et aux réseaux mobiles (2G, 3G) sur les territoires non desservis.
En dépit de l’intérêt manifesté par les géants américains de la tech comme Intel, Cisco ou Motorola, ce « super Wi-Fi » n’aura jamais trouvé sa voie. Après investi 200 millions d’euros, Bolloré Telecom raccroche définitivement. Selon L’Informé, la société a été placée en « dissolution anticipée » avec « mise en liquidation amiable ».
« Issu d’une longue tradition papetière, » comme le rappelle sa fiche Wikipédia, le groupe Bolloré s’est largement diversifié sous l’impulsion de Vincent dans les transports, la logistique, l’industrie ou les médias. Avec moins de succès, l’homme d’affaires s’est aventuré sur des terrains plus mouvants comme la voiture électrique (Bluecar) ou les télécoms.
Remontons le temps. En 2006, Bolloré Télécom, détenu à l’époque à 85 % par le groupe Bolloré et à 10% par ADP (Aéroports de Paris), obtient de l’Arcep douze licences régionales pour déployer des réseaux Wimax. Le nouvel acteur fait partie des quinze opérateurs retenus par l’autorité de contrôle des télécoms, aux côtés de TDF, Bouygues, Neuf Cegetel ou Bouygues. Il obtiendra dix licences supplémentaires les années suivantes.
Une suite de déconvenues
Mais les nuages s’accumulent sur le Wimax. Contrairement à ce qu’il avait annoncé, Intel n’équipe pas les PC portables de puces compatibles. Puis c’est autour, des équipementiers Alcatel, Cisco ou Motorola de se dérober. De son côt, l’Arcep n’autorise pas l’usage du Wimax en situation de mobilité , ce qui fait perdre beaucoup de son intérêt. La technologie sert alors seulement à connecter son domicile à internet et les éventuels appareils qui s’y trouvent.
Pour corser le tout, l’Arcep met en demeure, en 2011, plusieurs opérateurs dont Bolloré Telecom afin qu’il respecte leurs obligations de couverture en Wimax. Interviewé à l’époque par Challenges, son dirigeant, Jean-Christophe Thierry, reste optimiste. « La technologie est en cause, mais pas notre conviction que le développement exponentiel de l’internet haut débit sans fil profitera à nos fréquences. La véritable question est celle du timing. »
Face à ces problèmes de timing, Bolloré Telecom tente de se réinventer en pivotant vers le marché de la téléphonie mobile. Après s’être dit intéressé par une licence 3G en 2006, il demande à l’Arcep de pouvoir réutiliser ses fréquences et ses quelques 6 000 stations (à fin 2017) pour faire de la 4G puis de la 5G. Sans plus de succès. Il butte contre le lobby des opérateurs en place, « bien décidés à ne pas laisser un nouvel acteur s’imposer sans avoir déboursé des sommes considérables pour des fréquences dédiées », estime L’Informé.
Une chute sans fin
« Faute de débouchés, l’entreprise ne cesse de péricliter », note le site d’investigation épluchant les chiffres de la société. Les investissements en R&D fondent de 19,2 millions d’euros en 2019 à zéro en 2023 tandis que le chiffre d’affaires passe de plus de 2,3 millions d’euros en 2011 à seulement 22 000 euros l’an dernier. Sur son site web laissé à l’abandon, Bolloré telecom se présente pourtant comme « un nouvel opérateur télécom national » disposant de 30 MHz de spectre.
Avec la prise de contrôle de Vivendi en 2014, Vincent Bolloré finir par investir le paysage des télécoms par d’autres voies. Si le groupe cède la même année SFR à Patrick Drahi (Altice), il monte ensuite dans le capital de Telecom Italia. Mais ça, c’est une autre histoire….