« Sur le champ de bataille, l’IA dépasse les attentes des militaires »

« Sur le champ de bataille, l’IA dépasse les attentes des militaires »


Docteure en science politique, Laure de Roucy-Rochegonde dirige le Centre géopolitique des technologies à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et enseigne l’éthique de la guerre à Sciences Po Paris et à l’université Paris-II Panthéon-Assas. Mercredi 16 octobre, elle a publié La Guerre à l’ère de l’intelligence artificielle (PUF, 240 pages, 18 euros), qui interroge notamment comment l’intelligence artificielle (IA) et l’apparition d’armes plus autonomes peuvent remettre en cause le contrôle humain, politique et juridique, de l’usage de la force.

L’IA connaît-elle dans le champ militaire un bond similaire à celui observé dans le civil depuis deux ans ?

Oui, complètement. Les premières annonces sur l’intégration de l’IA à des systèmes d’armes datent d’avant 2010. Avant la guerre en Ukraine, en 2022, on estimait que les Etats les plus avancés étaient les Etats-Unis, la Chine et, dans une moindre mesure, la Russie. Mais, au moment de l’invasion de l’Ukraine, l’IA militaire russe a plutôt brillé par son absence. Au début, on a vu des systèmes très rustiques sur le terrain et les Ukrainiens se sont progressivement démarqués, avec l’aide de grands acteurs américains, comme la société Palantir, spécialisée dans le traitement de données, ou la société de communication par satellite d’Elon Musk, Starlink. Là, on a vraiment vu une accélération, un point de bascule, parce que tous ces acteurs ont bénéficié de quelque chose de très rare jusque-là : les données opérationnelles sur le terrain. Sur le champ de bataille, aujourd’hui, l’IA dépasse plutôt les attentes des militaires.

En Ukraine, les drones sont omniprésents. En quoi l’IA a-t-elle modifié leur usage ?

Il y a dix ans, à l’époque de l’invasion de la Crimée, en 2014, les drones avaient une grande vulnérabilité : quand on coupait leur liaison avec l’opérateur – ce que les Russes font très bien –, ils finissaient par tomber. C’est là que l’IA joue aujourd’hui un rôle, car elle permet d’autonomiser la navigation, le ciblage, le réajustement d’une trajectoire, etc. Les drones peuvent désormais de plus en plus souvent continuer à opérer sans interrompre leur mission.

Il y a beaucoup de recherches sur le vol autonome, en Europe ou aux Etats-Unis, où l’armée américaine a mené des tests sur des chasseurs. Va-t-on vers la fin des pilotes de chasse ?

Un pilote de chasse dirait que c’est impossible qu’un drone sache tout faire seul dans une mission. Cependant, les drones sont de plus en plus capables d’effectuer des missions similaires à celles d’un avion de chasse. Cela dit, dès lors qu’il y a besoin d’une responsabilité humaine pour certaines missions, les Etats préfèrent s’assurer de la présence d’un pilote, comme garde-fou. La prochaine frontière, ce sont les essaims de drones, qui fonctionneront avec une intelligence collective, un peu comme un banc de poissons.

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