L’interdiction de TikTok par le gouvernement indien, en juin 2020, a eu l’effet d’un coup de massue sur les milliers de créateurs de contenus du sous-continent. L’application chinoise a été interdite quelques semaines après un affrontement militaire meurtrier dans le Ladakh, le long de la frontière disputée entre les deux géants asiatiques. Les officiels indiens craignaient que les applications comme TikTok ne soient utilisées à des fins d’espionnage.
Or, au moment de son interdiction, l’application de ByteDance était disponible dans quatorze langues indiennes et comptait 200 millions d’utilisateurs en Inde, ce qui en faisait son premier marché étranger, devant les Etats-Unis. Depuis, une multitude de plates-formes de partage de vidéos « made in India » se sont engouffrées dans la brèche. Chingari, Josh, MX TakaTak ou encore Moj ont redoublé d’efforts pour attirer les stars indiennes de TikTok, devenues orphelines. « Nous avons investi énormément d’argent pour acquérir des créateurs de contenus et des utilisateurs », admet Berges Y. Malu, directeur chargé de la communication de Moj. Cette dernière, petite sœur de ShareChat, une plate-forme de partage de contenus, a été lancée dès le 1er juillet 2020, soit deux jours à peine après l’interdiction de l’application chinoise.
« Danser comme leurs idoles »
Pour faire venir du monde sur sa plate-forme, Moj s’est rapprochée des agences de relations publiques qui représentent les créateurs de contenus, leur proposant des partenariats avec des marques, des concours, etc. Les autres plates-formes ont adopté des stratégies similaires et toutes se focalisent sur la même cible : Bharat. Ce terme hindi désigne l’Inde rurale, non anglophone, par opposition à l’Inde des grandes mégalopoles, comme Delhi et Bombay.
Car TikTok a permis l’émergence d’un tout nouveau genre de célébrités en Inde : des créateurs de contenus, suivis par des millions d’utilisateurs, issus des zones rurales et des villes de tailles moyennes. « Dans les grands centres indiens, on peut tuer le temps de mille façons mais dans les villes moyennes ou à la campagne, il n’y a pas de cinémas, pas de centres commerciaux et, par défaut, les jeunes passent beaucoup plus de temps en ligne », explique Amitabh Kumar, cofondateur de Social Media Matters, une organisation qui œuvre à l’utilisation des réseaux pour favoriser des avancées sociales et sociétales.
« Avoir un smartphone et des milliers d’abonnés est un symbole de statut social », poursuit M. Kumar. En Inde, environ 600 millions de personnes en possèdent un et le prix des données mobiles continue d’être l’un des plus bas au monde.
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