En plein doute, le fact-checking cherche à se réinventer

En plein doute, le fact-checking cherche à se réinventer


Analyse. Le fact-checking, cette discipline journalistique popularisée dans les années 2000 et consistant à vérifier un propos public, qu’il émane d’une personnalité ou d’un quidam, n’a jamais semblé être aussi nécessaire. Covid-19, guerre en Ukraine, dérèglement climatique, élections contestées : les fausses informations, terme que l’on préférera au galvaudé « fake news », pullulent. « Les faits sont sous un feu nourri d’attaques », résume Baybars Orsek, directeur du réseau international de fact-checking, qui a réuni, fin juin, à Oslo, en Norvège, quelque cinq cents journalistes et chercheurs pour le congrès de la discipline. Le fact-checking y est apparu à la fois en plein boom et en plein doute.

La pandémie a été vécue comme un travail de Sisyphe. « Voir les rumeurs antivax partagées vingt-cinq mille fois par jour et, malgré notre travail, les retrouver aussi nombreuses le lendemain, c’était éprouvant pour ma propre santé mentale », reconnaît Tijana Cvjeticanin, journaliste de Bosnie-Herzégovine. Un sentiment d’impuissance, une impression rageante d’écrire dans le vide, partagée par beaucoup de journalistes de vérification. « Nous avons corrigé plein de fausses informations. Et pourtant, les gens y croient toujours. C’est fascinant, mais étrange en même temps », déplorait Alec Dent, journaliste de vérification, sur le site américain The Dispatch.

Le biais de confirmation

Les limites à l’efficacité du fact-checking sont bien connues. L’une d’elles est psychologique : c’est le biais de confirmation. Face à la contradiction, perçue comme insupportable, le cerveau humain tend à ignorer un argumentaire trop contrariant. Un phénomène qui tient parfois du « religieux », estime Alec Dent, commentant l’obstination des supporteurs de Trump à défendre la thèse du « vol » de l’élection. Cette opiniâtreté s’accompagne aussi souvent d’une forme d’agressivité vis-à-vis des journalistes de vérification eux-mêmes, comparés par leurs détracteurs à un « ministère de la vérité », quand ils ne sont pas la cible de diffamation ou de harcèlement. « Mais pourquoi ne nous aiment-ils pas ? », se désespérait un fact-checker, suscitant rires amers et sourires crispés.

Faut-il pour autant jeter le fact-checking aux oubliettes, comme une expérience ratée qui a consisté à vider l’océan avec une petite cuillère ? Cette question existentielle, tous les journalistes se la posent au quotidien.

On peut également se la poser autrement : si des équipes spécialisées ne faisaient pas l’effort de vérifier les informations, de rendre disponibles des éléments de réponse, de contexte ou de compréhension, si nous baissions les bras face à une marée d’infox, comment un citoyen de bonne foi pourrait-il se renseigner sur ce traitement miracle contre le Covid-19, dont il a lu les louanges sur Facebook mais qui serait dissimulé à dessein par Big Pharma ? Sur les prétendues preuves du trucage des élections françaises grâce aux machines à voter de la société américaine Dominion (pourtant utilisées nulle part en France) ? Sur les supposés laboratoires biomilitaires secrets en Ukraine ?

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