Secret et réseaux sociaux : où se trouve la limite ?

90210



Dans une ancienne chronique, je vous avais parlé de la série Beverly Hills nouvelle génération.

J’ai découvert avec bonheur qu’elle était disponible sur Prime.

Ne l’ayant vu qu’une seule fois et ayant les nerfs un peu à vif en ce moment, j’ai replongé dedans.

Quelle vie privée ?

Un épisode m’a interpellé. Pour prouver son amour à Dixon, Silver monte un film, dans lequel elle insère des passages très intimes entre elle et Dixon. Comme on est dans un soap, cela se termine bien, mais, de fil en aiguille, j’ai mentalement dérivé vers les secrets, la notion de secret, de vie privée.

Attention : la mécanique mentale qui suit est particulièrement tortueuse. La semaine dernière, j’ai enquêté sur les influenceurs qui avaient participé — à leur insu — à la campagne de Georgescu. Après la parution de mon article, une autre influenceuse m’a répondu. La conversation a pris une tournure assez agaçante. Je lui ai demandé de me fournir des preuves de ce qu’elle me disait et là, elle m’a sorti un argument auquel je n’étais pas préparée : « c’est ma vie privée ».

Dans mon salon Discord, j’ai énuméré toute une série d’insultes très fleuries. En substance, je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’une influenceuse, payée pour raconter les moindres détails de son quotidien en vidéo, en photo, en texte, se retranche derrière le concept de vie privée. Surtout pas quand je lui demande de me prouver qu’elle a été manipulée.

J’ai fini par arrêter la discussion avec cette gamine arrogante et passablement décérébrée. Mais, je me dis que si elle a la même attitude avec les enquêteurs et les magistrats, ces derniers vont se régaler. Morale de l’histoire : si vous voulez être crédible, essayez de ne pas prendre de haut vos interlocuteurs.

Des échanges publics ou privés ?

Justement : les influenceurs sont des panneaux publicitaires sur pattes. Mais nous, simples internautes ? Je plaide coupable : je me sers des réseaux sociaux, parfois, comme d’un défouloir.

J’essaie de ne pas trop le faire, avec pour objectif de ne plus du tout le faire. Ce n’est pas gagné.

Quand je dis défouloir, je parle de choses qui sont sans intérêt : un feu qui se déclenche dans ma cuisine, une scène marrante sous mes fenêtres, une photo de plage, bref, des choses qui ne me porteront pas préjudice.

Je confesse que la tentation est de temps en temps très grande de publier quelques échanges d’une mauvaise foi extraordinaire avec des politiques. Sauf que passé la satisfaction du moment et un éventuel reach, je risque surtout de perdre en crédibilité. Autant se taire et aller jouer à un jeu en ligne.

Mais, je dois aussi avoir un côté voyeur que je n’assume pas, car je lis régulièrement les fils de profs ou de médecins qui racontent leur quotidien. Quand j’ai dû changer de médecin traitant, j’avoue avoir eu une angoisse.

Mon cas sur les réseaux sociaux ?

Mon ancien médecin traitant était de la vieille école et certainement beaucoup trop occupé par ses multiples patients — il consultait sans rendez-vous et acceptait tout le monde — pour tweeter quoi que ce soit. À mon grand désarroi, il a pris sa retraite bien méritée. J’en ai réellement pleuré. Je me suis mise en quête d’un nouveau médecin traitant et j’ai eu un coup de chance inouï : je l’ai trouvé en face de chez moi, il venait de poser sa plaque.

J’y suis allée, avec une inquiétude : est-il du genre à faire des live-tweets de ses patients ? Quand on lit certains comptes, sur le moment, on s’en amuse. Mais, les patients dont il est question sont-ils au courant qu’on parle d’eux ? Bien sûr, il n’y a pas de nom, les comptes sont sous pseudonyme, mais l’histoire est tout de même là.

C’est vrai que ces tranches de vie permettent de mieux percevoir la réalité du métier et que c’est sociologiquement utile d’avoir certaines informations. Pour autant, avec toutes les informations qui circulent, les croisements de données, les méthodes d’OSINT qui se perfectionnent, qui peut promettre que le fil de tweets paru en 2015, racontant telle situation, ne permettra pas d’identifier à coup sûr le médecin et le patient dont il est question.

Avant, on tenait un journal intime et ce journal restait dans un coin. Aujourd’hui, tout est public, le secret a été aboli.

Pas de retour possible

Silver finit par assumer son film, puisqu’elle n’a pas le choix. Mais, dans le monde réel, est-ce possible ? Pour reprendre l’analogie avec le journal intime, tant qu’il n’est pas rendu public, tout va bien. On peut rougir ou se consterner de ce que l’on a pu écrire quand on était plus jeune. Mais, sur un réseau social ?

Même de vieilles pages MySpace ont été archivées quelque part alors que ce réseau social n’existe plus. Une fois qu’une information a été mise en ligne, la faire totalement disparaître est quasiment impossible. On peut la désindexer de Google, mais, il faut faire la même chose avec Yandex et Bing et tous les autres moteurs de recherche qui n’ont pas Google comme référence.

Et qui peut certifier qu’il n’y a pas des captures d’écran qui circulent ? En fait, plus que le secret, c’est aussi la confiance qui a disparu. Ou plutôt le sentiment de confiance et c’est peut-être pour cela que les jeunes se sentent bien sur les réseaux sociaux. Quand on est petit, on fait naturellement confiance aux autres. C’est en devenant adulte qu’on plonge dans la paranoïa. Or, dès qu’ils sont petits, on leur dit de ne pas parler aux inconnus. Sauf qu’à la maison et à l’école, ils voient les adultes… raconter leur vie sur les réseaux sociaux.

Comment leur faire comprendre le côté radical d’une publication sur un réseau social ou sur le Web, vu que nous-mêmes, nous ne l’avons pas intégré ?

Et si vous avez l’impression que cette chronique est particulièrement décousue, ce n’est certainement pas qu’une impression et qu’il est urgent de prendre un peu de repos.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.