Moins d’une semaine après sa victoire à l’élection présidentielle aux Etats-Unis, Donald Trump a nommé, mardi 12 novembre, son allié, le milliardaire Elon Musk, à la tête d’un département chargé de « démanteler la bureaucratie » : le Department of Government Efficiency, ou DOGE. L’acronyme est une référence directe à un mème bien connu sur Internet, représentant un chien shiba inu désorienté – et initialement symbole de monologues intérieurs absurdes –, ainsi qu’à la cryptomonnaie à son image, le dogecoin, dont le propriétaire de X est un fervent promoteur.
Pour les partisans de Donald Trump, la référence aux mèmes est une vieille habitude. En 2016, la campagne du républicain surfait déjà sur cette culture du détournement et du remixage d’images humoristiques, au point qu’on attribuait à ces mèmes un rôle dans sa victoire inattendue face à Hillary Clinton. « Dès 2012, on parle d’une “meme election”. Il y a cette mythologie du mème qui ferait l’élection, même si cette influence est impossible à quantifier, explique Maxime Dafaure, doctorant au sein de l’université Gustave-Eiffel, à Paris, spécialiste de l’alt-right, cette frange de l’extrême droite américaine très active en ligne. La culture mème n’est pas politique en soi, mais on cherche à se l’approprier. »
L’équipe du candidat avait alors pu s’appuyer sur certains espaces numériques déjà acquis aux idées de l’alt-right, se servant, pour propager ses idées, de la culture du troll, qui joue sur l’impertinence et la polémique. A partir de 2011, des anciens du site néonazi Stormfront, par exemple, ont élu domicile sur 4chan, et notamment sa section « politiquement incorrect » (/pol/). Connu pour son absence de modération et ses campagnes de cyberharcèlement, le forum a produit, à l’instar du détournement de Pepe the Frog, de nombreux mèmes favorables à Donald Trump autour de 2016. Les meilleurs étaient ensuite repostés par des partisans sur le sous-forum Reddit The_Donald, consacré au milliardaire, puis diffusés sur des réseaux grand public, comme Twitter ou Facebook.
En 2017, des utilisateurs américains de 4chan s’étaient même donné pour mission de promouvoir en ligne la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Le phénomène est pourtant lui-même présent en France, avec l’investissement des réseaux par les personnalités d’extrême droite et antisémites, à commencer par le polémiste Dieudonné et l’essayiste Alain Soral. Dans une moindre proportion que 4chan, à qui on l’a beaucoup comparé, le forum 18-25 du site Jeuxvidéo.com a aussi vu pulluler, sous ses nombreux mèmes, des discours racistes, misogynes et néonazis, avant de muscler sa modération en 2015, puis en 2017.
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