Avec le feu vert accordé par l’autorité britannique de la concurrence – la CMA, Competition and Markets Authority – à la fusion entre Vodafone et Three, le Royaume Uni montre qu’il est possible de passer de quatre à trois opérateurs télécoms dans un grand pays européen. Depuis l’arrivée de Free en France en 2012, cette question d’un retour à trois acteurs agite le marché hexagonal à intervalles réguliers.
En rassemblant près de 30 millions d’abonnés, le nouvel ensemble, constitué du troisième et quatrième opérateurs anglais, passe devant Virgin Media O2 et EE (Everyithing Everywhere), une division de l’acteur historique BT (British Telecom). Avec ce mariage évalué à près de 20 milliards d’euros, Vodafone contrôlera 51 % du capital. Et CK Hutchison, le groupe hong-kongais propriétaire de Three, la participation restante.
Cette opération doit être finalisée au cours du premier semestre 2025. Vodafone aura la possibilité d’acquérir la part de son partenaire au bout de trois ans. Craignant que le passage à trois acteurs nuise à la concurrence et conduise à une hausse du prix des abonnements, la CMA a assorti son accord d’un certain nombre d’exigences.
Après avoir analysé le deal durant 18 mois, le régulateur britannique demande aux nouveaux mariés :
- D’améliorer significativement la qualité de leur réseau commun
- De plafonner certains tarifs mobiles et forfaits de données pendant trois ans
- D’offrir, durant la même période, des conditions contractuelles prédéfinies aux opérateurs virtuelles (MVNO) qui font appel à leur réseau
Plus de 13 milliards d’euros d’investissement
Le Royaume Uni est à la traîne en terme d’adoption de la 5G, 30 % des abonnements en 2023. Vodafone et Three se sont engagés à investir 11 milliards de livres sterling (13,3 milliards d’euros) pour créer « l’un des réseaux 5G les plus avancés d’Europe. » Couvrant 99 % de la population du royaume, il fera notamment appel à l’intelligence artificielle pour améliorer la qualité de service.
Avec cette opération, Vodafone poursuit sa stratégie de recentrage sur son marché domestique. Le groupe s’est délesté de sa branche espagnole pour 5 milliards d’euros. Et de sa filiale italienne à Swisscom pour 8 milliards d’euros.
Vodafone s’est aussi désengagé de sa filiale de tours télécoms (TowerCo), Vantage Towers, la cédant en grande partie aux fonds KKR et GIP. Vodafone annonçait aussi, en mai 2023, son intention de se séparer de 11 000 collaborateurs sur trois ans, soit 12 % de ses effectifs.
Un déclic pour Bruxelles ?
Est-ce que ce passage à trois opérateurs donnera des idées du côté de Bruxelles ? La Commission européenne a récemment donné son assentiment à des fusions. Il était assorti de conditions telles qu’il ne permettait pas la consolidation des marchés nationaux comme le rappelle Le Monde.
En 2017, lors du mariage en Italie de Wind et Tre, le régulateur a obligé les deux opérateurs a cédé une partie de leurs infrastructures à un nouvel entrant, le français Iliad (maison mère de Free). De quoi créer de facto un quatrième opérateur dans la péninsule. Bis repetita en Espagne sept ans plus tard. Le rapprochement entre Orange et MásMóvil « n’a été autorisé qu’à condition de renforcer Digi, l’opérateur alternatif le plus agressif du marché ibérique ».
En France, Bouygues Telecom a failli être racheté par Altice (SFR) en 2015 et par Orange en 2016. La seconde tentative aurait échoué, selon Le Monde, face « aux dissensions entre opérateurs » et à «l’intransigeance d’Emmanuel Macron », ministre de l’Économie à l’époque. L’État détient encore 23 % du capital d’Orange.
A l’exception notable des Pays-Bas et de la Suisse, les pays européens sont-ils condamnés à vivre avec quatre opérateurs ? En septembre, le rapport sur la compétitivité de l’UE de Mario Draghi, ancien président de la BCE, appelait à une consolidation du marché européen afin de faire émerger des opérateurs à l’échelle européenne. Sera-t-il entendu ?