Triste nouvelle annoncée par l’association EPI (Enseignement public et informatique), la mort le 23 février, à 78 ans, de son président Jean-Pierre Archambault (un hommage et les obsèques auront lieu demain). Cette nouvelle a notamment été relayée sur Mastodon par Alexis Kauffmann, déplorant «la disparition de (son] collègue et ami Jean-Pierre Archambault, véritable pionnier de la promotion et de la diffusion du logiciel libre à l’école».
Légitimation et développement du Libre
C’est en effet une grande figure du Libre dans l’éducation qui vient de nous quitter. Sa biographie sur le site d’EPI indique:
«Ancien enseignant et professeur agrégé de mathématiques, il a créé puis coordonné pendant de nombreuses années le pôle de compétences « logiciels libres » du SCÉRÉN, jouant un rôle de premier plan dans la légitimation et le développement du libre dans le système éducatif. Il est actuellement président de l’association Enseignement public et informatique (EPI). À ce titre, il est l’un des principaux artisans de l’introduction d’une discipline informatique au lycée, au collège après une sensibilisation à l’école primaire. Il est membre du groupe de travail de l’Académie des sciences qui a préparé le rapport « L’enseignement de l’informatique en France – Il est urgent de ne plus attendre » adopté par l’académie en mai 2013. Il est également membre du CA de la SIF (Société Informatique de France) et co-responsable du groupe ITIC-EPI-SIF.»
Et la même page renvoie à ses très nombreuses publications sur l’informatique à l’école (dont cette section sur les logiciels libres, qui remonte jusqu’en 1999). Framasoft a publié le texte d’une de ses conférences (et les vidéos), le 16 mars 2005, sur «Les logiciels libres et l’Éducation», où il fit cette citation de Victor Hugo:
«Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient – le mot n’est pas trop vaste – au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous.»
Jean-Pierre Archambault a entre beaucoup d’autres choses cosigné une tribune en 2012, «Pourquoi pas une licence globale pour les manuels scolaires ?». En 2013, dans un complément au livre (publié en Framabook) «Histoires et cultures du Libre» dirigé par Camille Paloque-Berges et Christophe Masutti, il a écrit «Le Libre dans l’Éducation nationale» (PDF).
Enseigner l’informatique le plus tôt possible
En 2016, il était cité dans un article de l’Observatoire des multinationales:
« «Si le libre est devenu dans les années 2000 une composante à part entière de l’informatique dans l‘éducation, les résistances demeurent», regrette Jean-Pierre Archambault, enseignant retraité et ancien coordinateur du pôle de compétences « logiciels libres » du Réseau de création et d’accompagnement pédagogique (Réseau Canopé, ancien Scéren). Jean-Pierre Archambault n’avait d’ailleurs pas été remplacé après son départ à la retraite. Selon lui, l’opposition n’émane pas seulement des géants commercialisant des logiciels, mais bien de tous les éditeurs, y compris ceux qui produisent des manuels scolaires. «Les enjeux économiques et financiers sont très fort avec un public captif de 10 millions d’élèves», explique-t-il. «Les éditeurs scolaires bénéficient d’une situation de rente qu’ils veulent conserver.» »
« De belles idées, auxquelles il manque encore un socle: pour comprendre les enjeux du libre, mais aussi de la neutralité du net ou de l’auto-hébergement, l’informatique doit être enseigné aux élèves en tant que matière – une évolution qui arrive tout doucement en France. « Si les sciences physiques sont devenues une discipline scolaire il y a un siècle, c’est parce qu’elles sous-tendent les productions de la société industrielle », explique Jean-Pierre Archambault. « D’une manière analogue, l’informatique, qui sous-tend les réalisations de la société numérique, doit devenir discipline scolaire de culture générale pour tous les élèves.» »
Dans une interview au Monde en 2017, il plaidait pour l’apprentissage de l’informatique dès l’école primaire.
Hommages
L’April lui a rendu hommage: « Jean-Pierre était un compagnon de route de l’April de longue date, nous avons mené de nombreuses actions en commun. Nous avons eu la chance de pouvoir partager des moments amicaux avec Jean-Pierre, qui, au-delà de ses profondes convictions, était une personne très humaine et pleine d’énergie. »
Sur Linuxfr, cet autre hommage: « Il a été un acteur essentiel des ressources libres et des logiciels pour l’Éducation nationale en France et dans la francophonie. L’étiquette jean-pierre_archambault vient nous remémorer combien il était actif autour du logiciel libre et de l’éducation depuis longtemps, que nous le croisions régulièrement lors de conférences et d’événements, et combien il était une personne appréciée, active, humaine et de convictions. »
Le compte Le Libre éducatif (compte de la Direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’Éducation nationale dédié aux logiciels et ressources éducatives libres) salue sa mémoire dans un fil X dont voici un extrait:
Illustration: Jean-Pierre Archambault en 2011, photo EPI-bureau / Wikimedia Commons / CC by-sa
Lire aussi
Éducation nationale : les communs numériques, «horizon par défaut» – 18 octobre 2024
Bonnes lectures: « Histoires et cultures du Libre », un ouvrage de référence – 31 juillet 2013
Un manuel de SVT libre pour classes de seconde – 5 septembre 2010
Éducation et logiciel libre: les « Restos du Cœur » aimeraient plus de volonté politique – 1er avril 2009