Oubliez les chevaliers, les princesses, les châteaux forts ou les troubadours : Pentiment a beau emprunter son esthétique aux manuscrits du Moyen Age, le nouveau jeu des Californiens d’Obsidian Entertainment, dont la sortie est prévue sur PC et Xbox le 15 novembre, nous propulse légèrement plus loin dans le temps. L’action, dont nous avons pu avoir un aperçu lors de la Gamescom, à Cologne, à la fin du mois d’août, se déroule au début du XVIe siècle en Bavière, en pleine période de la Renaissance.
Son protagoniste, prénommé Andreas Maler, ne porte ni armure ni casque. Il revêt des chausses et une toque. Il n’excelle pas non plus dans le maniement de l’épée, plutôt dans celui de la plume. Sa profession ? Artiste pour manuscrits. Son superpouvoir ? Sa capacité à raisonner et à argumenter avec des individus de tous milieux. Il se démarque profondément des guerriers médiévaux qui pullulent dans les productions vidéoludiques.
Mi-artiste, mi-détective
En ralentissant l’action au profit de dialogues foisonnants, Pentiment constitue une prise de risque notable pour son réalisateur, Josh Sawyer, tête pensante de Fallout : New Vegas (2010), l’un des volets les plus appréciés de la franchise postapocalyptique, et cocréateur de Pillars of Eternity (2015).
Le réalisateur ne perd pas de vue les fondamentaux du jeu de rôle dont il a fait sa spécialité, et l’introduction n’échappe pas à la traditionnelle phase de personnalisation du héros. Sauf que, contrairement à nos habitudes, il n’est pas question ici de définir l’aspect d’Andreas, dont l’allure rappelle Albrecht Dürer, l’un des dessinateurs allemands les plus célèbres de cette époque. Il faut plutôt remplir une sorte de CV qui nous familiarise avec le profil des intellectuels de l’époque. Préférez-vous qu’Andreas soit plutôt doué en latin ou en occultisme ? Qu’il ait étudié la médecine ou la théologie ? Qu’il ait voyagé en Italie ou dans les Flandres pour se former ? Les parcours choisis vont orienter notre partie et ouvrir (ou fermer) le champ des possibles dans les dialogues.
Leur déroulement s’apparente à celui d’une bande dessinée interactive : les mots écrits à la plume s’affichent dans des bulles. Durant chaque discussion, les questions ou réactions nous sont suggérées. A nous de choisir les plus adaptées.
Les dialogues sont motivés par une enquête après un meurtre. Notre artiste bavarois cherche à identifier les suspects et à démasquer le coupable en interrogeant les habitants d’un village et d’un monastère, comme dans un roman d’Agatha Christie. A la manière du roman Le Nom de la rose, d’Umberto Eco, roman policier transposé au Moyen Age, l’anachronisme permet au joueur d’appréhender une époque aux coutumes très différentes des nôtres. A nous de nous adapter à ce contexte socioculturel très dépaysant, dont l’authenticité est l’une des grandes préoccupations de l’équipe de Pentiment, qui s’est adjoint les services de trois historiens.
L’enquête de voisinage tourne mal
Notre partie est rythmée par une rencontre d’une vingtaine de minutes avec la veuve Kemperyn, une femme au caractère exécrable qui passe son temps à nous rabrouer et à blasphémer. Face à son manque de coopération, nous tentons de l’amadouer en ramassant du bois pour elle, ce qui offre l’occasion de nous détendre avec une phase de mini-jeu.
Malheureusement, cela ne fonctionne pas. Impossible de tirer les vers du nez de la veuve, qui nous expose tout de même les circonstances tragiques à l’origine de son amertume. Nous nous rendons compte a posteriori que, durant l’échange, notre hâte à presser la pauvre femme pour obtenir son témoignage n’a fait que heurter ses sentiments. Pire, notre maladresse s’est vue signifier par une notification que nos actions auront des conséquences pour la suite de l’aventure.
A côté de nous, un de nos confrères qui a choisi un autre chemin se fait copieusement rudoyer par un forgeron. Mettre à l’épreuve notre volonté, nous faire ressentir de la déception face à des interlocuteurs qui ne se préoccupent pas de nous, augmente paradoxalement le réalisme de ce monde de papier.
Dans Pentiment, les personnages non-joueurs (PNJ) ne semblent pas uniquement présents pour nous récompenser avec des informations ou des objets utiles accordés régulièrement pour maintenir notre attention. Les villageois rencontrés ont beau être des gens ordinaires, ce sont des êtres de valeur à la psychologie travaillée. Chacun est un petit puzzle qu’il faut déchiffrer en prenant compte de son statut social et de ses motivations. Voilà qui représente le jeu de rôle vidéoludique (généralement désigné par l’acronyme RPG, pour « role playing game ») sous sa forme la plus mature et fascinante.
La démonstration organisée par Microsoft ayant été strictement limitée à trente minutes, impossible de savoir si Pentiment maintient une telle densité tout au long du récit, qui s’étale sur vingt-cinq ans. Reste que son mélange de cérébralité et d’humour en fait l’une des œuvres les plus singulières entrevues à la Gamescom 2022. Et assurément l’une des plus prometteuses de l’année.