ce que la transition d’Ethereum de « proof-of-work » à « proof-of-stake » implique pour les cryptomonnaies

ce que la transition d’Ethereum de « proof-of-work » à « proof-of-stake » implique pour les cryptomonnaies


C’est une transition de taille à laquelle la plate-forme Ethereum doit s’atteler à partir du 15 septembre. Surnommée « la Fusion » (« the Merge »), et reportée à de multiples reprises en raison de difficultés techniques, elle consiste à faire basculer la plate-forme et la cryptomonnaie associée, l’ether, d’un protocole fondé sur une preuve de travail (proof-of-work) à un autre basé sur une preuve d’enjeu (proof-of-stake). Un choix qui intervient après de longs débats et plusieurs années de recherche par le fondateur d’Ethereum, Vitalik Buterin, et le développeur Vlad Zamfir, qui peut avoir de lourdes implications pour le secteur.

Le « proof of work », fondement du bitcoin

Les réseaux de cryptomonnaies comme le bitcoin sont avant tout des registres comptables numériques, dont l’activité est scellée par une « chaîne de blocs » (ou blockchain), qui compile les transactions du réseau. Pour garantir la validité de ce registre et un fonctionnement fiable, les utilisateurs doivent opérer selon des règles communes.

C’est dans le livre blanc présentant le bitcoin en 2008 que Satoshi Nakamoto, l’inventeur sous pseudonyme de la cryptomonnaie, a popularisé la notion de proof-of-work. Imaginé par des universitaires de Harvard et de l’Institut Weizmann en 1993, ce protocole informatique servait à l’époque à combattre les pourriels. Le concept autorise l’accès et la participation à un réseau par l’exécution d’une tâche, et donc l’utilisation de ressources, de la même manière qu’un internaute est souvent contraint de résoudre un « captcha », un test d’identification manuel pour prouver qu’il n’est pas un robot.

Avec le bitcoin, la production de blocs intégrant les transactions est réalisée par des « mineurs » – des ordinateurs dont les ressources sont dévolues à la sécurisation du réseau. Pour produire un bloc et poursuivre la continuité de la chaîne, il est nécessaire de procéder à des calculs. Le premier mineur à réussir l’opération est récompensé par des bitcoins. Plus il y a de participants au réseau et plus les calculs sont complexes.

La méthode est donc coûteuse en énergie. Une volonté de son créateur afin de freiner les ardeurs d’acteurs malicieux : compromettre l’intégrité du réseau implique en effet de dépenser des ressources phénoménales. Dans le cas du bitcoin, la puissance de calcul nécessaire au réseau est telle qu’une manœuvre de ce type, selon les estimations des sites Crypto51 et GoBitcoin, coûterait entre 18,7 et 22 millions d’euros par jour de dépenses d’électricité, auxquels s’ajoutent le coût matériel des ordinateurs de minage, estimé entre 15 et 30 milliards d’euros. Un coût prohibitif dans ce cas mais bien moindre pour d’autres cryptomonnaies moins utilisées, comme Vertcoin, Ethereum Classic ou Bitcoin Gold, corruptibles pour des sommes parfois inférieures à la dizaine de milliers d’euros.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Cryptomonnaies : les arnaques se multiplient, comment les éviter ?

Un protocole critiqué pour son impact environnemental

En résumé, avec la preuve de travail, la sécurité d’une chaîne de blocs est corrélée à la quantité de ressources énergétiques déployées. Avec une consommation annuelle de 86,6 térawattheures (TWh) selon l’université de Cambridge, le réseau bitcoin se classe entre la Belgique (81,2 TWh/an) et les Philippines (90,9 TWh/an) ou une consommation similaire « à celle d’une grande ville, comme Los Angeles », comme préférait nuancer l’ancien mineur Marc Bevand auprès du Monde, en juin 2021.

Une dépense énergétique légitime, pour les partisans du bitcoin, son inventeur évoquant dans le livre blanc un modèle « analogue aux chercheurs d’or dépensant des ressources pour ajouter de l’or en circulation ». Jack Dorsey, le fondateur de Twitter et de la jeune pousse de paiement électronique Block, et le dirigeant de Tesla, Elon Musk, considèrent ainsi que « le bitcoin encourage les énergies renouvelables ». À l’inverse, d’autres, comme Greenpeace, vilipendent justement le coût énergétique exorbitant de ce modèle pour lui privilégier celui de proof-of-stake, la preuve d’enjeu.

Lire aussi : Les cryptomonnaies, encore très énergivores, à la recherche d’un avenir plus vert

Le « proof-of-stake », une alternative moins énergivore…

À la différence de la preuve de travail, cette méthode de consensus apparue en 2012 avec la cryptomonnaie Peercoin ne nécessite pas l’exécution d’une tâche pour participer au réseau mais de prouver la possession de la cryptomonnaie en question. Pour cela, il est nécessaire de mettre sous séquestre une partie ou la totalité de son capital afin de participer à la validation des transactions et la création de blocs. Avec ce consensus, les éventuels acteurs malicieux sont cette fois sanctionnés par la perte de leur capital. La mise sous séquestre veille donc théoriquement à garantir les bons comportements.

Pour compenser l’indisponibilité temporaire des fonds, les usagers sont récompensés en recevant la monnaie créée simultanément avec le nouveau bloc. Ici, la preuve d’enjeu rappelle celle d’un livret bancaire à la française : plus il y a de fonds bloqués et plus longtemps ils le sont, plus la récompense sous forme d’intérêts est grande.

Pour la plupart des cryptomonnaies utilisant le consensus de la « preuve de travail », le coût matériel de la participation au réseau se limite à la détention d’un simple ordinateur, ou même d’un téléphone portable, soit une somme dérisoire comparée au coût des machines consacrées au minage de bitcoin (entre 2 000 et 10 000 euros en moyenne). En revanche, si dès le premier euro dépensé, le détenteur de ce type de monnaie peut en théorie espérer percevoir une rémunération, ce protocole favorise les plus gros portefeuilles : plus le capital est grand, plus la chance d’encaisser la récompense l’est aussi.

… Mais un modèle potentiellement plus centralisé

Dans le cas d’Ethereum, le code requiert la mise sous séquestre de 32 ethers pour participer à la validation des blocs. Compte tenu du prix actuel d’un ether (1 578 euros), Ethereum demandera donc une mise sous séquestre d’environ 50 000 euros.

Un coût critiqué par les partisans du mécanisme de la preuve de travail, qui estiment que le système de preuve d’enjeu va à l’encontre de l’idée d’un réseau pair à pair distribué équitablement. « La preuve d’enjeu consomme bien moins d’énergie que la preuve de travail, mais le revers de la médaille est qu’elle suscite bien plus de centralisation », fustigeait ainsi Pierre Rochard, économiste de la plate-forme américaine d’échanges de cryptomonnaies Kraken. Une critique balayée par Vitalik Buterin qui, dans un article publié en mai sur le site technologique Hackernoon, estimait que « le minimum nécessaire à mettre sous séquestre est relativement bas et atteignable pour la plupart des gens ».

Reste la question des bugs potentiels engendrés par la transition d’un protocole à l’autre. En mai, dans le cas d’Ethereum, la chaîne de blocs test destinée à fusionner avec la version actuelle a ainsi connu une faille sous la forme d’une réorganisation de son historique. Et plus récemment, en août, une faille a été détectée sur le client principal utilisé par le protocole. De vrais couacs pour une technologie censée assurer l’immuabilité de son registre.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Avec MICA et TFR : les cryptoactifs dans le viseur du régulateur européen





Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.