comment le « swipe » de l’application de rencontre a conquis la planète

comment le « swipe » de l’application de rencontre a conquis la planète


C’est l’histoire d’un geste parti d’une salle de bains pour envahir la planète. Lorsque Tinder se lance en 2012, Jonathan Badeen, l’un de ses cofondateurs, cherche à avoir davantage de « fluidité » pour naviguer d’un profil à l’autre. Alors, quand un jour, raconte-t-il à CNBC en 2017, il essuie son miroir plein de buée en sortant de sa douche, il tient son geste : l’utilisateur ne devra pas cliquer pour décider du sort d’un profil, mais le balayer du doigt, d’un côté ou de l’autre. Dix ans plus tard, Tinder revendique des pics à 4 milliards de « swipes » (« balayage ») par jour et plus de 70 milliards de « matchs » depuis son lancement.

Cette pratique du zapping du bout du doigt est rapidement devenue incontournable, débordant très vite du cadre de l’application : taper sur Google « Tinder de… » suffit pour se rendre compte que le modèle du géant des rencontres en ligne est devenu en dix ans une référence. De l’immobilier (Pinql ou Cityzia) aux amateurs de livres (Klerb) ou de danse (Dansathon), de la déco (Inspiration) aux cryptomonnaies, et même dans la comparaison de programmes politiques (Elyze) ou dans le jeu vidéo (Reigns)… Tinder et son système de « swipe » et de « match » sont partout.

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Petit geste, grandes conséquences

En « swipant » sur Tinder, on prend une décision rapide et simple : oui ou non. Or, au niveau cognitif, ce simple geste produit une forme d’excitation pour l’utilisateur, qui attend de savoir ce qui se cache derrière le prochain profil. Ce mécanisme active notre circuit de la récompense, qui cherche une gratification rapide : à chaque « swipe » ou « match », notre cerveau délivre des shoots de dopamine, l’hormone du bonheur. De nombreux chercheurs ont montré que l’application, par son système binaire, s’apparente ainsi à un jeu très addictif. « Si ce système fonctionne bien, c’est parce qu’on est dans une “gamification” qui va enclencher certains mécanismes : la compétition, la récompense, et la reproduction du geste », explique Marlène Dulaurans, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication auprès de l’université Bordeaux-Montaigne.

Cette puissance addictive est accentuée par la possibilité de se procurer des options payantes, des « super like » ou des « boosts », afin de surmonter les frustrations générées par les limites de l’application, comme le nombre plafonné de profils que l’on peut consulter chaque jour. Un fonctionnement rappelant les nombreux jeux « free to play », qui proposent de payer pour progresser plus vite dans une partie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Bernard Kim, l’actuel PDG par intérim de Match Group, la maison mère de Tinder, vient de l’industrie vidéoludique. « J’ai passé ma carrière à piloter la monétisation “à la carte” de jeux gratuits, et je suis ravi d’apporter ces connaissances et cette expertise à nos marques pour générer plus de valeur », déclarait-il en août 2022 dans une lettre aux actionnaires de Match Group.

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