« Rien n’était prêt mais on a tous fait au mieux. » Professeure d’histoire-géographie en collège et lycée à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), Gwenaëlle Deborde se remémore avec amertume les mois de confinement et de cours à distance de l’année 2020. En l’absence de consigne claire sur le numérique de la part de sa hiérarchie et face « aux outils de travail inadaptés » proposés par son académie, elle reconnaît s’être tournée vers des services privés états-uniens, comme Zoom et Google Drive, « faute d’alternative viable ».
Alors que la question de la protection des données personnelles s’impose peu à peu dans le débat public et que le gouvernement compte pour la première fois dans ses rangs un ministre délégué à la souveraineté numérique, la crise du Covid-19 a mis en lumière l’omniprésence dans les classes de grands groupes privés états-uniens, Microsoft et Google en tête. Dans une réponse publiée mardi 15 novembre au Journal officiel, le ministère de l’éducation nationale a d’ailleurs assuré avoir, en lien avec les académies, « demandé d’arrêter tout déploiement ou extension » des outils des deux géants américains dans les classes. Sans toutefois s’étendre sur une quelconque échéance.
Revirement libriste au ministère
Nommé à la tête de la direction du numérique pour l’éducation (DNE), Audran Le Baron, ancien de Bercy, a pris en juin 2021 ses quartiers rue de Grenelle. Son arrivée a été précipitée par ce qu’il appelle un « trauma de l’institution », survenu deux mois plus tôt : alors qu’est annoncé un troisième confinement, les serveurs du Centre national d’enseignement à distance (CNED) et de certains environnements numériques de travail ne tiennent pas face à l’afflux d’élèves et d’enseignants, provoquant des pannes majeures.
Si sa mission première est d’éviter que se reproduise ce genre de souci technique, M. Le Baron s’intéresse aussi de près aux outils des Gafam, « pris en solution de secours sur le terrain ». Au sein d’un ministère qui a par le passé pactisé plus d’une fois avec le grand groupe de la tech Microsoft, le haut fonctionnaire souhaite aujourd’hui incarner un numérique éducatif « libre, souverain, compatible avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) » en réorientant les établissements vers des outils fournis par l’Etat : « Il faut que nous travaillions à une offre à la fois crédible, lisible et sans couture. A partir du moment où elle sera là, il y aura moins de débats. » Il a notamment recruté pour cela Alexis Kauffmann, cofondateur du réseau Framasoft, qui milite depuis 2001 pour la promotion de logiciels libres.
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