Encore quelques balles. Les finales dames et hommes approchent et vont clore, dimanche 9 juin, la 123e édition du tournoi de tennis de Roland-Garros. Loin du Court central et de son atmosphère bourgeoise feutrée, se joue un autre match, plus sournois et violent, plus obscène et sans limites : la modération des réseaux sociaux. Dans cet univers virtuel trash et agressif, la société française Bodyguard s’occupe, pour la deuxième année d’affilée, de gérer la protection des comptes – X (ex-Twitter), Instagram, Facebook ou TikTok – de Roland-Garros et de plus d’une vingtaine de joueurs engagés dans le tournoi.
Les sportifs n’ont pas l’obligation de confier leurs pages à cette entreprise. « C’est une prestation », souligne Stéphane Morel, le directeur général de la Fédération française de tennis (FFT), qui organise Roland-Garros. Une prestation mentionnée dans le livret d’accueil que reçoit chaque athlète avant le début de la compétition, c’est dire son importance.
Le principe de Bodyguard est simple : une technologie, alimentée par une intelligence artificielle (IA), est capable de retirer « en temps réel », selon la société – plus exactement en quelques millisecondes – les messages hostiles en quarante-cinq langues, mais également les émojis considérés comme insultants ou discriminants (en forme de banane pour insulter un sportif noir, par exemple). Ces posts ou commentaires jugés toxiques sont alors masqués et ne sont visibles que pour leur auteur.
« On a pris conscience ces dernières années de l’importance de la santé mentale de nos joueurs et joueuses, explique M. Morel. De façon assez pragmatique, on a tout intérêt à ce que nos [sportifs] soient en pleine forme physique et mentale pour délivrer le meilleur des spectacles. On aurait pu dire à chacun de se débrouiller avec ses réseaux, mais on estime que c’est une obligation morale. On est dans une logique de protection. »
« C’est plus violent pour les petits joueurs »
Ainsi, depuis le début du tournoi, le 26 mai, Bodyguard a enregistré et analysé, pour le moment, un peu plus de 70 000 messages envoyés sur les pages de la FFT, de Roland-Garros et de la vingtaine de joueurs qui lui font confiance. Un peu plus de 5 % de ces messages ont été retirés pour leur caractère violent, injurieux, raciste ou misogyne – il existe plus d’une cinquantaine de classifications.
La Polonaise Iga Swiatek – qui dispute la finale, samedi 8 juin, face à l’Italienne Jasmine Paolini – fait partie des athlètes protégés. En près de deux semaines, la numéro 1 mondiale a reçu 8 000 posts sur ses comptes X et Instagram : 33 % étaient des critiques positives, mais 2,4 % de commentaires haineux ont été retirés. Des insultes, parfois à caractère pornographique, en français, en anglais, dans sa langue natale… « Elle ne les verra pas », se félicite Charles Cohen, fondateur et président de Bodyguard.
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