Abandonware sans frontières
Après deux articles plutôt légers (ici et là), il est temps de s’attarder sur le sujet qui fait de l’Allemagne un cas unique dans le paysage vidéo-ludique mondial : son rapport à la représentation de la violence, qui va bien plus loin qu’un simple âge minimal posé sur la boîte. Pour le comprendre, il faut remonter aux années qui suivent la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Face à la popularité grandissante des comics américains, jugés néfastes pour la jeunesse, les autorités allemandes décident de réagir. En 1953 est votée la loi sur la diffusion d’écrits préjudiciables à la jeunesse, qui ouvre la voie à la création en 1954 du Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Schriften (commission fédérale d’examen des écrits préjudiciables à la jeunesse), abrégé en BPjS ou BPS et basé à Bonn, qui va établir une liste (le fameux « index ») des titres jugés problématiques. Au départ, son but est surtout de bloquer la publication de ces comics à l’aide de prétextes fumeux – une panique morale comparable à la France, la différence étant qu’en France les comics en question étaient simplement caviardés. Heureusement, au fil des décennies, le BPjS assouplit sa position et restreint ses critères. La musique a vécu la même évolution : en 1959, Gisela Jonas voyait les exemplaires de son EP « ..Bei Gisela » saisis à cause de leur caractère soi-disant indécent. Depuis, le champ d’action s’est concentré sur des albums de hip-hop, de grindcore, de death-metal (cf Cannibal Corpse dont les trois premiers albums sont interdits de vente et d’interprétation) ou politiquement extrêmes (Böhse Onkelz, affiliés au mouvement skinhead à leurs débuts avant de s’en éloigner). Et à partir de décembre 1984, c’est au tour des jeux vidéo. Point commun de ces trois types de production : ils n’ont pas de classification claire sur leur contenu et l’âge du public visé, contrairement au cinéma dont la classification est prise en charge par la FSK.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ? Il faut bien comprendre que le BPjS n’est pas une sorte de douane qui regarde passer tous les jeux vidéo avant leur mise sur le marché. Un jeu vidéo n’a pas besoin d’une autorisation pour sortir. Mais si un membre d’un service ou d’une organisation relative à l’enfance (au niveau national, fédéral ou associatif) découvre l’existence d’un jeu qui peut poser problème, il ou elle peut déposer une requête auprès du BPjS, qui étudiera le jeu et rendra sa décision par un vote de ses membres. Pour faire simple, le titre va être rangé dans une catégorie, selon qu’il y a saisie immédiate du matériel (pour les cas vraiment illégaux et extrêmes, qui ne nous concernent pas ici), qu’il est publié commercialement ou non. Et pour un titre commercial, ce sera dans la sous-liste A ou B. Un titre de la catégorie A est considéré comme dangereux pour les enfants, le plus souvent parce qu’il montre de la violence ou des symboles anticonstitutionnels (alias des croix gammées) – une position compréhensible si l’on se remet dans le contexte, qui a vu se succéder la Seconde Guerre Mondiale et la guerre froide. Ce jeu doit donc être mis hors de la vue et de la portée des enfants, et cela se traduit par deux mesures : interdiction de toute publicité et diffusion publique du jeu, et interdiction de le mettre en rayon en magasin. Attention, il peut toujours être vendu, mais soit dans des boutiques réservées aux adultes, soit en le laissant dans l’arrière-boutique ! Dans ce cas, pour en acheter un exemplaire, il faut donc en faire discrètement la demande (si possible dans le creux de l’oreille) au vendeur en présentant sa carte d’identité, et il vous le donnera dans un sac opaque à l’abri des regards innocents. La vente par correspondance de tels jeux est, quant à elle, interdite. Un jeu tombe dans la catégorie B si on juge qu’il enfreint le code criminel allemand en montrant des actes de violence inhumaine et/ou cruelle de façon complaisante, ou glorifiant cette violence. Il a alors droit à l’honneur suprême : interdiction totale de vente sur le territoire allemand (mais c’est toujours légal d’y jouer en privé). Les seuls jeux qui ont décroché cet achievement avant 2000 sont Wolfenstein 3D et les trois premiers Mortal Kombat.
Le processus de validation du BPjS a pour conséquence qu’il s’écoule un certain temps entre le moment où un jeu sort dans le commerce et celui où il est mis sur index, et ce « certain temps » peut varier de quelques semaines à plusieurs mois ! C’est la raison pour laquelle tous ces jeux ont auparavant eu droit à leurs avant-premières et tests dans les magazines. Cela réduisait évidemment l’efficacité de la mesure, surtout si le jeu en question était très attendu et s’arrachait dès sa sortie. En revanche, un jeu qui comptait sur le bouche-à-oreilles pouvait voir ses perspectives de ventes quasiment réduites à néant, puisqu’il n’aurait plus aucune visibilité. Dans les deux cas, il n’est plus possible de prolonger les ventes par des rééditions budget ou l’inclusion dans des compilations (une compilation contenant un jeu indexé est indexée d’office), et ce sont les réseaux pirates qui prennent le relais.
C’est dans son numéro de novembre 1985 que le magazine Happy Computer publie le premier article que j’ai trouvé sur l’actualité du BPjS, avec l’entrée sur index de quelques jeux comme Raid Over Moscow et Beach-Head. Le sujet revient de plus en plus souvent sur le tapis, avec parfois une interview de Rudolf Stefen, le dirigeant du BPjS depuis 1969. Dans son hors-série numéro 6 (août 1989), ASM publie même la liste des titres sur index – chose alors en théorie interdite, seuls les rapports du BPjS pouvant contenir cette liste – que voici :
On peut grouper les jeux de cette liste en trois catégories :
- Les jeux vidéo érotiques ou pornos : ils sont inconnus au bataillon (comprendre : de Mobygames) et ont probablement été vendus sous le manteau ou dans des boutiques spécialisées, auquel cas l’indexation n’a pas dû trop les affecter.
- Les jeux vidéo politiques d’extrême-droite (et plus rarement d’extrême-gauche, comme Kohl-Diktator). Quasiment tous sont des jeux racistes et/ou antisémites, glorifiant l’idéologie nazie ou visant la communauté turque. Ces jeux ont suscité l’indignation et fait l’objet de multiples articles de presse en Europe dans les années 1987 à 1989, avec des échos jusqu’aux États-Unis. Mais eux aussi étant diffusés clandestinement, l’indexation est donc plus symbolique qu’autre chose.
- Enfin, les jeux vidéo classiques. La plupart ont une thématique guerrière/militaire : Operation Wolf, Gryzor, Commando… Les scènes de violence visuelle sont aussi le motif d’indexation de Battle Chess, RoboCop, Barbarian : The Ultimate Warrior, Sword of Sodan, Renegade… Il y a même un wargame, Theatre Europe, qui simule une guerre nucléaire en Europe entre les deux blocs, avec l’Allemagne de l’ouest comme enjeu central. Vous remarquerez aussi « 1942 Trainer » qui n’est autre qu’une version piratée de 1942, et dont les crackers ont été crédités comme auteurs dans le rapport ! Alain Huyghes-Lacour n’était pas le seul à se faire avoir…
Il manque dans cette liste un jeu qui a joué un rôle notable : Silent Service. Il l’avait pourtant rejointe en février 1987 – le BPjS devait être effrayé à l’idée que des enfants innocents apprennent à piloter un sous-marin, contre la marine allemande qui plus est. MicroProse et son distributeur Rushware contestèrent cette décision, mais faute de pouvoir faire appel, MicroProse saisit la justice allemande. Coup de théâtre en mars 1988 : la nuit précédant l’audition à la cour de justice de Cologne, le BPjS leva sa sanction, mettant ainsi fin à la procédure et leur évitant de devoir expliquer leur processus de délibération au tribunal – mais c’était désormais Gunship qui était menacé ! Néanmoins, comme le montre cette liste, Silent Service et Gunship réussiront à s’en sortir (pas F-15 Strike Eagle), et par la suite les simulateurs militaires ne seront pratiquement plus inquiétés par le BPjS. En revanche, les éditeurs allemands évitent prudemment les jeux trop violents, à l’exception de Persian Gulf Inferno (édité par Magic Bytes mais réalisé par des Danois) qui s’est fait remarquer par son sound design étonnament réaliste pour l’époque. On ne plaisante pas non plus avec certains symboles : si vous regardez les boîtes allemandes d’Indiana Jones and the Last Crusade et Indiana Jones and the Fate of Atlantis, vous remarquerez que les références aux Nazis (devenus des « agents »), à Hitler et la Gestapo ont été gommées, et que les croix gammées ont été effacées dans les softs – elles étaient conservées dans les films en vertu d’une exception pour les productions dites « artistiques », à laquelle les jeux vidéo n’avaient pas droit ! La liste des différences est visible sur cette page.
En mars 1991, Rudolf Stefen quitte ses fonctions. Il est remplacé par une de ses adjointes, la juriste Elke Monssen-Engberding, alors âgée de 40 ans. C’est elle qui va devenir le visage de l’institution, puisqu’elle occupera ce poste pendant un quart de siècle, jusqu’en 2016. Elle donnera de nombreuses interviews et participera à des tables rondes avec des acteurs de l’industrie (dont une en 1999 dont peut voir un extrait dans cette vidéo). À partir de 1993, l’augmentation du nombre de jeux violents va de pair avec celle de la charge de travail du BPjS, qui se montrera parfois très réactif sur certains types de jeux comme les FPS. Cela n’empêchera pas les couacs avec les sharewares; ainsi, en mi-septembre 1997, alors que sa version shareware est sur l’index depuis le 30 août, la version complète de Shadow Warrior sort dans le commerce comme si de rien n’était ! De plus, le BPjS n’est plus tout seul : l’année 1994 voit la création de l’Unterhaltungssoftware Selbstkontrolle (autorégulation des logiciels de divertissement), alias l’USK, une organisation chargée de mettre en place une signalétique d’âge, sous la forme d’un losange jaune, sur les boîtes de jeu – un étiquetage différent de celui préconisé alors par l’ELSPA. Mais cela n’entrave en rien les décisions du BPjS : Crusader : No Remorse a beau arborer un logo USK « pour 16 ans et plus », il finira sur l’index en mars 1997.
Pour les éditeurs de jeux vidéo, cela devient un casse-tête. Le marché allemand est un des plus gros d’Europe, surtout depuis la réunification, il est hors de question de faire une croix (non gammée) dessus. Mais il est tout aussi inconcevable de payer les frais de traduction et de publicités pour un jeu qui pourrait disparaître de la circulation quelques semaines après sa sortie. Il reste donc une solution : édulcorer le jeu pour le rendre moins violent. De toute façon, plusieurs éditeurs américains n’ont pas trop le choix, car la chaîne de magasins Wal-Mart commence à menacer de ne pas vendre certains jeux violents s’ils n’ont pas un mode parental non désactivable – ils vendront ainsi des versions spéciales de Duke Nukem 3D et Blood. L’exemple de nettoyage le plus connu est celui de Command & Conquer, dont les soldats ont été remplacés par des robots. Cela peut faire sourire, mais Westwood n’aura vraiment pas à regretter cette décision. En effet, le jeu va rencontrer un immense succès en Allemagne. Dans une interview parue en décembre 1995, le producteur Ed Del Castillo avance des chiffres de 65.000 ventes en Allemagne, contre 45.000 en Angleterre et 60.000 aux USA (non, je ne me suis pas trompé dans les 0). Command & Conquer : Alerte Rouge et ses extensions feront aussi des ventes spectaculaires (au moins 180.000 exemplaires pour la première extension), et Command & Conquer : Soleil de Tibérium sera si attendu que le magazine PC Games surnommera le jour de sa sortie le « T-Day ».
Il n’y a pas que les éditeurs qui sont concernés par la politique du BPjS, il y a aussi les magazines de jeux vidéo. Pas tant pour la perte de publicité des jeux indexés : ils semblaient avoir moins de difficulté à publier de la publicité hors-captif qu’en France (notamment pour le tabac – pas de loi Évin en Allemagne). Le problème, c’est que citer le titre d’un de ces jeux, pour en dire du bien ou évoquer son influence, peut être interprété comme une publicité et donc passible de poursuites. Je ne sais pas s’il y a eu des cas de sanctions contre un magazine pour ce type de mentions – on sait au moins que le magazine PC Joker a reçu en 1995 une visite de la police qui voulait saisir les exemplaires d’un vieux numéro et, devant les protestations des journalistes, a fait retirer les numéros en kiosque à cause d’une ou deux publicités pour des logiciels érotiques. Quoi qu’il en soit, la plupart des journalistes ne se mouillaient pas et ont appris les subtilités des figures de style littéraires pour ne pas nommer les jeux interdits, modifier leurs noms (je vous laisse deviner qui se cache derrière « Operation Index » et « Wolpertinger 4D ») ou les remplacer par « indiziert ». Si le jeu était passable ou peu influent, ça va encore. Mais si c’est un jeu qui a changé l’histoire du jeu vidéo, créé un genre et engendré des dizaines de rejetons menacés du même sort (au hasard : Doom), là, ça se corse, et ça peut devenir délicieusement absurde. Ainsi, dans son numéro d’avril 1994, PC Joker publie une interview de Jay Wilbur et Sandy Petersen (id Software). Dans l’encadré résumant la ludographie de la société, Wolfenstein 3D (indexé) est renommé. Mais l’article est illustré par des captures d’écran de Doom et Spear of Destiny (pas encore indexés), ce dernier étant une copie conforme de Wolfenstein 3D avec de nouveaux niveaux ! Rassurez-vous, écrire sur une suite dont le titre contient intégralement le nom de son prédécesseur indexé n’expose pas à des sanctions. Les journalistes pouvaient montrer les premières images exclusives de Doom 3 à l’E3 2002 et en faire des avant-premières, du moment qu’ils ne mentionnaient pas ses prédécesseurs.
Si on se penche, non pas sur ce qui a été publié, mais sur ce qui n’a PAS été publié, on peut aussi remarquer la rareté des rétrospectives sur le jeu vidéo dans la presse allemande. En effet, comment peut-on revenir sur cette histoire si on doit en occulter certains pans, dont au moins un extrêmement populaire ? Ce n’est donc pas seulement l’actualité, mais aussi l’histoire du jeu vidéo qui est entravée par les décisions du BPjS. On applaudira tout de même l’audace du magazine PC Player qui publiait chaque mois en 1998/99 un article sur une catégorie de jeu vidéo, avec mini-rétrospective et récapitulatif des derinères sorties. En novembre 1998, ils en publient donc un sur les jeux d’action en 3D, et la rétrospective réussit l’exploit de ne mentionner ni Wolfenstein 3D ni Doom et de ne montrer sur la partie 1992-95 que des captures d’écran d’Ultima Underworld et Hexen – un des rares FPS de l’époque à être passé entre les mailles du filet !
Au début des anneés 2000, l’adoption massive d’Internet complique la tâche du BPjS. Il est désormais très simple d’aller sur des sites étrangers pour trouver articles, captures d’écran et démos jouables de jeux non censurés, et même de commander ces jeux en ligne – je ne serais d’ailleurs pas étonné que les boutiques françaises proches de la frontière aient quelques exemplaires de jeux en VO intégrale en stock pour leurs voisins allemands de passage. Dans son numéro de septembre 2001, le magazine PC Action relaie une rumeur lancée par la revue de cinéma X-Rated selon laquelle le BPjS fermerait ses portes à la fin de l’année, rumeur qui est évidemment démentie, et en février 2002 Unreal Tournament et la version complète de Return to Castle Wolfenstein entrent dans l’index. Les choses s’en tiennent là jusqu’à la tragique journée du 26 avril 2002…
Ce jour-là, Robert Steinhäuser (19 ans) s’équipe d’un pistolet et d’un fusil à pompe et se rend à son lycée d’Erfurt (Thuringe). Une fois entré, il passe de salle en salle et abat froidement chaque professeur qu’il croise. Au bout d’un quart d’heure, apparemment lassé, il baisse son arme devant un professeur qui profite d’un moment d’inattention pour l’enfermer à clé dans une salle. Steinhäuser se suicide quelques instants plus tard. Le bilan de l’attaque est de seize morts : treize professeurs et supérieurs, deux élèves, et un policier arrivé sur les lieux suite aux appels à l’aide. C’est la première fois qu’une telle fusillade – pire que celle de Bad Reichenhall, le 1er novembre 1999 – est commise dans un établissement scolaire allemand, le pays est sous le choc. La suite des évènements est totalement prévisible : des politiciens demandent l’interdiction totale des jeux violents (alors que la réglementation est déjà très sévère), des journaux accusent le heavy-metal et les jeux vidéo du drame. Et presque tous se focalisent sur un jeu en particulier que le tueur aurait pratiqué : Counter-Strike. Un coupable idéal, car à ce moment-là, le BPjS n’a pas encore rendu son verdict à son sujet. Certains journalistes prétendent que le but du jeu est de tuer des passants et des écolières ! PC Action publie un long article pour contredire ces affirmations – le magazine a de bonnes raisons de se sentir concerné puisqu’il organise depuis plusieurs mois un tournoi national d’e-sport sur Counter-Strike, le PC Action WWCL. Un fan du jeu monte même le site counter-striker.de afin de recenser et commenter tous les articles qui paraissent sur le sujet. En revanche, on notera l’indifférence de la presse vidéoludique européenne, qui ne semble se préoccuper de ces tueries que lorsqu’elles ont lieu aux États-Unis et pourraient perturber le planning des sorties de jeux. Le 16 mai 2002, le BPjS tient une conférence de presse pour annoncer sa décision sur Counter-Strike, devant de nombreux journalistes et des fans du jeu. Soulagement des joueurs : Counter-Strike n’est pas mis sur index. De plus, des doutes subsistent sur l’implication du jeu dans le parcours du tueur. Après son enquête, la commission Gutenberg (du nom du lycée où a eu lieu le drame) révèlera en 2004 que Robert Steinhäuser jouait à Return to Castle Wolfenstein, Half-Life, Hitman : Codename 47, Soldier of Fortune… Mais PAS à Counter-Strike ! Pour de plus amples informations sur le sujet, n’hésitez pas à consulter l’excellent article paru sur Gaming Since 198x.
Reportage vidéo de PC Action sur la conférence du BPjM au sujet de Counter-Strike
Le BPjM (nouveau nom adopté en 2002, « Medien » remplaçant « Schriften ») est dans une position délicate : ses décisions n’ont pas pu empêcher une telle horreur de se produire. Une réforme est inévitable, elle est votée en juin 2002 et entre en application le 1er avril 2003. Les changements sont les suivants :
- Le BPjM surveille désormais aussi les sites web.
- La signalétique d’âge devient obligatoire pour tous les jeux. À cette occasion, l’USK adopte le même système à cinq couleurs que la FSK, en gardant le losange (les logos du FSK sont ronds).
- Le BPjM peut abandonner une procédure d’indexation d’un jeu si sa signalétique a été adoptée.
- La durée d’indexation, qui était jusqu’alors indéfinie, est établie à 25 ans.
- Les jeux déjà indexés au 1er avril 2003 basculent dans une nouvelle sous-liste, la sous-liste E.
Les points 2 et 3 de cette liste donnent l’impression que l’USK prend entièrement en charge la classification des jeux (avec des mesures spécifiques pour les jeux pour 16 ou 18 ans et plus) et réduisent le travail du BPjM, mais tout est dans le « peut » : non seulement les jeux les plus violents devront tronquer certains de leurs contenus pour pouvoir être vendus, mais le BPjM peut très bien mener une procédure à son terme, classification ou pas. Ainsi, d’après le site Lost Releases, Resident Evil 4 est d’abord sorti en version complète avec le logo USK, avant qu’il soit décidé que les mini-jeux devaient être supprimés dans un pressage suivant – et la version anglaise intégrale est sur index. Quelques titres comme Dead Rising (1 & 2), Scarface et Left 4 Dead 2 rejoindront la sinistre liste B. Quant aux jeux de la liste E, pour la plupart trop anciens, leurs éditeurs – s’ils existent toujours – ont mieux à faire que de demander une révision de leur statut. Ils sont donc condamnés à purger la totalité de leur peine.
Si l’on se fie à la liste des jeux indexés sur Mobygames, leur nombre chute à partir de 2013. Il faut dire que l’arrivée des plateformes de jeux dématérialisés et vendus dans le monde entier a complètement changé la donne. Les développeurs offrent généralement la possibilité de désactiver des contenus de leurs jeux afin de ne pas heurter certaines sensibilités, et les plateformes peuvent facilement interdire la vente d’un jeu à un utilisateur selon son âge et sa localisation. Et ne parlons même pas du nombre effarant de titres disponible sur Steam… De plus, comme l’indique leur site, le BzKJ (leur nouveau nom depuis 2021) s’occupe également du harcèlement en ligne et des discours de haine sur le web – un travail certainement bien plus conséquent que la veille sur les jeux vidéo. Ajoutons à cela l’évolution des mentalités : en août 2018, l’USK accorde enfin aux jeux vidéo les exceptions spécifiques aux productions artistiques, ce qui signifie qu’il est désormais autorisé d’y montrer des croix gammées, du moment que le jeu ne promeut pas le nazisme. Enfin, l’expiration du délai d’indexation permet aux jeux de la liste E de redevenir fréquentables. Année importante s’il en est, en 2019, après 25 ans de réclusion, Wolfenstein 3D, Doom et Doom II sortent enfin de l’index ! Les ludo-historiens et sites de retrogaming allemands peuvent enfin souffler.
Pour retrouver les articles sur le sujet, faites un recherche sur le mot « BPjS » dans notre base de magazines, ou recherchez les articles allemands avec le tag #reglementation.
Le site Telepolis contient un reportage complet (et parfois édifiant) sur une conférence du BPjS datant de 2000 :
Computer sind Waffen
Enfin, cet article de PC Games de septembre 2024 détaille les motifs d’indexation de 25 jeux sortis entre 1984 et 1994.
Indizierte Games – die bizarre Geschichte des Sonderfalls Deutschland
En guise de conclusion, je dirai juste : ne jouez pas à une partie de Taboo contre des journalistes vidéo-ludiques allemands, vous finiriez dernier.