Le chanteur et musicien Arman Méliès offre un cas de figure intéressant quant aux enjeux du live moderne puisqu’il est à fois auteur-compositeur-interprète et collabore avec d’autres, qu’il accompagne à l’occasion en tournée. A 51 ans, il vient de publier son dixième album, le double Obaké (Bellevue Music), soit « esprit » en japonais, un ambitieux requiem électronique hanté de fantômes, à commencer par ceux des compositeurs François de Roubaix et Ennio Morricone. Tout en étant guitariste pour les concerts de Daniel Auteuil prévus jusqu’au printemps 2024, une fonction qu’Arman Méliès a occupée pendant une dizaine d’années auprès de Julien Doré.
Ses talents d’instrumentiste sont rétribués à hauteur de 400 euros par date, soit plus de la moitié du coût que représente la version la plus aboutie du logiciel Ableton Live permettant de remplacer cette main-d’œuvre par des sons enregistrés. Autant dire que pour beaucoup, le calcul est vite fait. « Si je voulais être fidèle à l’esthétique de mon nouvel album et la restituer en live, il faudrait être quatre ou cinq avec beaucoup d’informatique et de synthétiseurs, mais je n’en ai pas les moyens », confie-t-il. Par défaut, il a opté pour le minimalisme : « Tout seul avec une guitare acoustique et une pédale sampler pour les effets, afin de bâtir un paysage musical derrière ma voix. Mon idée est d’assumer la part de fragilité et d’aléatoire en solo et de prendre le contre-pied de la surproduction dans les albums. »
« Cela a créé une accoutumance »
La découverte à la fin des années 1990 chez le chanteur et guitariste américain Joseph Arthur de l’« oversampling » (superposition, grâce à un échantillonneur, de boucles jouées et enregistrées en direct) a convaincu Arman Méliès de s’équiper d’une pédale à deux pistes « principalement pour les effets vocaux ». Il s’est aussi produit sous la forme d’un trio augmenté par la technologie : « Les lignes de basse, faites au clavier, étaient lancées depuis un pad par le batteur jouant avec un clic [métronome numérique] dans l’oreillette. Il y a une horloge qui fige la structure. Je veux aujourd’hui me libérer de ces choses-là. »
« Enormément de musiciens jouent aujourd’hui avec des bandes, déplore-t-il. En tant que spectateur, je trouve cela très frustrant : j’entends tout ce qui n’est pas joué. La tendance est à des morceaux structurés pour qu’ils soient fidèles au disque. Et à la facilité : on appuie sur la barre espace et le play-back est lancé. Avec cette technique, on peut se contenter de trois répétitions. »
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