« Allô, oui, bonjour… je vous appelle pour du harcèlement. Je viens d’apprendre qu’une vidéo de mon fils où il se fait frapper a été postée sur les réseaux sociaux. » Au bout du fil, mercredi 21 juin, l’un des vingt écoutants du 30-18, la ligne d’aide contre le cyber-harcèlement de l’association e-Enfance. Il aide une mère de collégien à identifier ce qui est arrivé – en l’occurrence du « happy slapping », le fait de filmer une agression avec son smartphone – et les recours possibles pour faire cesser le harcèlement.
Si la vidéo est postée sur Snapchat ou TikTok, le 30-18 utilisera son canal privilégié avec les réseaux sociaux pour faire disparaître le contenu dans des délais beaucoup plus brefs que si l’internaute le signalait depuis son compte. Parfois en moins d’une heure, pour les éléments violents ou à caractère sexuel. « Nos messages passent dans la modération prioritaire des réseaux sociaux. On leur prémâche le travail, en quelque sorte », argue Romain Chibout, coordinateur de la plate-forme d’écoute.
En 2022, le 30-18 a été à l’origine de la suppression de 10 000 comptes et contenus en ligne. Outre les réseaux sociaux, comme Snapchat, TikTok ou Discord, la plate-forme est aussi en contact avec des sites pornographiques, des sites payants, comme OnlyFans, et certains jeux vidéo en ligne, tel Roblox. Angle mort toutefois : les messageries chiffrées, comme WhatsApp, Telegram ou Signal, sur lesquelles il n’y a pas de modération.
Lutter contre la banalisation
Lors de l’échange téléphonique – ils en mènent chacun une quinzaine en moyenne par jour, pour un total d’environ 25 000 par an –, il s’agit aussi pour le professionnel de prendre des nouvelles de l’enfant et de rassurer le parent sur sa démarche, lui qui est souvent démuni ou peu renseigné sur la vie en ligne de son ado. « A chaque fois, nous valorisons le fait qu’ils appellent, nous les remercions. Cela permet de ne pas banaliser la situation et d’encourager parents comme enfants à communiquer sur ce qui s’est passé », explique Clotilde Henry, coordinatrice adjointe de la plate-forme et psychologue clinicienne. Ici, dans le cas du « happy slapping », il s’agit de faits condamnables au pénal, qui peuvent faire l’objet d’une plainte auprès de la police ainsi que de mesures au sein du collège, la vidéo ayant été tournée dans le cadre scolaire.
Sur leur standard, trois appels par jour en moyenne sont d’ailleurs liés à du harcèlement scolaire. « La plupart des violences que nous traitons concernent des collégiens mais nous commençons à voir des cas en primaire, relate Romain Chibout. Il ne s’agit même pas forcément de harcèlement numérique quand ils nous appellent. » Au 30-18, même si on est aujourd’hui en mesure de faire des signalements directement au ministère de l’éducation nationale, on regrette que le numéro et son application (téléchargée plus de 35 000 fois en un an d’existence) ne soient pas plus diffusés dans les écoles. « Par exemple sur le carnet de correspondance », suggère-t-on.
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