« Ici rien n’est à vendre », annonce tout de go une petite pancarte épinglée en haut des étagères bleues du Fanzinarium, petite boutique nichée au cœur du 20e arrondissement parisien. Mais « tout est à lire », promet immédiatement une autre. « Tout », soit plus de 6 000 fanzines, des années 1960 à aujourd’hui. Les curieux peuvent venir feuilleter ces périodiques amateurs chaque mercredi soir et dimanche après midi lors des permanences. Devenu un lieu de partage privilégié autour du fanzinat, cette bibliothèque associative et bénévole fête ses cinq ans, samedi 19 octobre, en tenant salon au Café La Pêche à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Derrière les murs de cette ancienne cordonnerie, que l’on devine encore grâce au papier peint orné de souliers rouges, on s’assoit à un coin de table ou sur une marche d’escabeau selon l’affluence, pour compulser ces publications amatrices. Selon Maël Rannou, bibliothécaire, auteur de plusieurs articles universitaires sur le fanzinat en France, et lui-même « fanzineux » depuis ses 14 ans, le phénomène est aussi difficile à quantifier qu’à définir. Une constante toutefois : « La distribution des fanzines se fait hors des circuits classiques » du kiosque ou des réseaux de librairies, précise-t-il. Aucune restriction sinon sur le fond, la forme ou la fréquence de parution.
Le foisonnement, du sol au plafond, témoigne d’ailleurs de la diversité des thèmes abordés par les imprimés populaires, de l’anarchiste On a faim ! à la poésie décalée plus récente d’Angèle Douche en passant par Ikki, qui parodie des mangas. Qu’ils parlent de punk, de cinéma, de pop japonaise, de véganisme, de sexualités… les fanzines naissent d’un manque, d’une certaine absence dans les médias traditionnels, mais aussi de la marginalisation de centres d’intérêt, à l’image des premiers « zines » sur la science-fiction nés dans les années 1930 aux Etats-Unis. En France, le fanzinat s’est plutôt développé après-guerre, en particulier depuis l’arrivée des photocopieurs.
Une poignée de fanzinothèques en France
Au Fanzinarium, c’est donc tout un pan des contre-cultures françaises et de l’esprit des communautés de fans, qu’elles soient nées avant ou avec Internet, qui attend d’être découvert et redécouvert. Auraient-ils par hasard ce fascicule que l’on a, un jour du début des années 2000, aperçu en festival, et dans lequel des fans de manga parodiaient des figures politiques en personnages japonais ? L’évocation fait mouche auprès de Delphine Ya-Chee-Chan, membre fondatrice qui nous accueille en ce dimanche d’automne, qui finira par le retrouver dans ses archives.
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