Au festival de BD d’Angoulême, rencontre avec Junji Ito, mangaka de la sublime horreur

Au festival de BD d’Angoulême, rencontre avec Junji Ito, mangaka de la sublime horreur


Son calme olympien et sa modestie tranchent avec son univers délirant et effrayant, peuplé de jeunes gens beaux et naïfs, de monstres extravagants, de spectres et de corps déformés. Junji Ito, 59 ans, s’est pourtant attelé à le façonner élégamment depuis le milieu des années 1980. Ses figures inédites et un dessin raffiné peu avares en encre noire, immédiatement reconnaissables, ont fait de lui un maître incontesté de l’horreur.

La discrétion de l’artiste ne s’est pas forgée sur le tard. « J’étais un adolescent plutôt sombre, l’antithèse des fêtards », se remémore auprès du Monde le mangaka, à la veille du Festival international de BD d’Angoulême (FIBD), qui se tient du 26 au 29 janvier et dont il est l’un des invités de marque. Certains lecteurs lui prêtent volontiers une ressemblance avec certains de ses jeunes personnages masculins, souvent timides et en retrait. Comme le facétieux Soichi (Mangetsu, 2022), enfant blafard et dérangé, qui suçote des clous pour soi-disant lutter contre une anémie et passe son temps à tourmenter son entourage dans une série d’histoires courtes que l’auteur a égrainées tout au long de sa carrière :

« Soichi est un garçon négatif à l’esprit un peu tordu. On y retrouve un peu de moi. J’étais un enfant qui, à l’école, était sage, obéissant. Et puis dès que je rentrais chez moi, mon côté tordu ressortait davantage. J’ai le souvenir d’avoir été assez farceur avec ma famille. »

C’est justement cette touche d’humour qui vient, dans ses nouvelles dessinées, sauver in extremis d’une ambiance glaçante. « Junji Ito est quelqu’un d’assez classique, peu dans la provocation même s’il dessine des choses terribles, analyse Virginie Nebbia, critique spécialiste du mangaka. Il est orfèvre d’une horreur accessible à un large public, cathartique, divertissante. »

« Etrangeté de la mort »

Raconter de l’horreur était une évidence. Marqué très jeune par des films comme L’Exorciste, de William Friedkin (1973), ou Suspiria, de Dario Argento (1977), M. Ito n’échappe pas, depuis la province rurale de Gifu où il grandit, au « boom de tout ce qui est lié aux sciences occultes, les ovnis, la télékinésie », issu de la culture pop américaine et très en vogue dans les années 1970 et 1980. Mais aussi à celui des toshi densetsu, légendes urbaines japonaises qui fleurissent dans les années 1980.

Mais ce que le mangaka invoque surtout, c’est « le choc visuel », vers 4-5 ans, quand il découvre son premier manga : Mîra sensei, une œuvre effrayante appartenant à sa sœur et signé de l’exubérant Kazuo Umezu, fondateur du manga d’horreur. Dans cette œuvre inédite en France, une terrifiante momie se fait passer pour une enseignante dans une école de bonnes sœurs. « J’avais été fortement marqué par le contraste entre cette momie vraiment grotesque et l’héroïne, une jeune fille très belle », se souvient Junji Ito.

Il vous reste 61.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.