Intel annonce le départ surprise de son PDG Pat Gelsinger. Le directeur financier d’Intel, David Zinsner, et la DG Michelle Johnston Holthaus le remplacent au pied levé. Intel précise que son conseil d’administration cherche un bon profil pour succéder à Gelsinger.
« Diriger Intel a été l’honneur de ma vie » a déclaré M. Gelsinger dans un communiqué. « Ce jour est bien sûr doux-amer. L’année a été difficile pour nous tous, car nous avons pris des décisions difficiles mais nécessaires pour positionner Intel dans la dynamique actuelle du marché. »
Intel subit les vents défavorables pour son activité de la montée en puissance des architectures de processeur Arm, et lutte pour maintenir à flot sa propre architecture x86, au point d’avoir formé une alliance de circonstance avec son ennemi héréditaire AMD.
Le départ d’un revenant
Le départ Pat Gelsinger illustre cette adversité. Il avait été nommé en 2021 PDG du fondeur auréolé de la figure du fil prodigue sur le retour. Il avait en effet rejoint Intel à l’âge de 18 ans, et était devenu l’architecte principal de la 4e génération de processeurs 80486 d’Intel, lancée en 1989. À 32 ans, il était ainsi devenu le plus jeune vice-président de l’histoire de l’entreprise.
Puis devenu directeur technique d’Intel en 2001, il avait rejoint en 2009 le spécialiste du stockage EMC avant de devenir le PDG de VMware en 2012.
Son retour chez Intel en 2021 avait soulevé de multiples espoirs, alors que l’entreprise était soumise à des pressions croissantes de la part d’investisseurs activistes pour qu’elle se réorganise.
Programme d’investissement massif
Il avait lancé une ambitieuse correction de trajectoire sur cinq ans. Mais cela coutait fort cher. Pierre angulaire de son programme, la construction d’énormes usines de fabrication de puces d’une valeur de plusieurs milliards de dollars aux États-Unis et à l’étranger (dont l’Europe). Son but ? Rattraper les géants des puces tels que TSMC et Samsung en faisant l’impasse sur certaines générations de puces pour espérer s’imposer sur les suivantes.
Cette politique ambitieuse trouvait une partie de son financement dans les aides publiques des pays où Intel promettait de développer ses activités de fondeur.
Ainsi, M. Gelsinger avait travaillé à ce que le ministère américain du commerce accorde à Intel jusqu’à 7,86 milliards de dollars dans le cadre d’un projet de loi de financement, le CHIPS Act. Des ouvertures de site sont prévues en Arizona, au Nouveau-Mexique, dans l’Ohio et dans l’Oregon.
Echec dans les cartes graphiques et dans l’IA
Mais un tel effort s’est aussi heurté à des résistances très fortes de l’écosystème. Les relations de l’ancien PDG avec les autres fondeurs, dont TSMC, n’étaient pas au beau fixe.
Mais surtout, face à la montée en puissance des acteurs de l’infrastructure dans le domaine de l’intelligence artificielle, les initiatives d’Intel ont été trop timides.
Les initiatives de la société sur les cartes graphiques – la série Arc – et les puces d’intelligence artificielle – la série Gaudi – restent marginales face au désormais poids lourd Nvidia. Même AMD est désormais un concurrent sérieux dans le domaine des puces pour datacenter.
Perte financière et fin d’une expérience
Et la volonté d’Intel de développer une activité de fonderie pour des clients a rencontré de nombreux problèmes techniques. Un exemple de cette diversification ratée est la puce 18A, qui n’a pas passé les tests de fiabilité de ses clients Apple et Qualcomm. Bilan, la livraison a été repoussée à 2026 minimum.
En octobre dernier, Intel a enregistré une perte trimestrielle de 16,6 milliards de dollars, la plus importante de ses 56 années d’existence.
Les analystes prévoient que la société perdra 3,68 milliards de dollars cette année, sa première perte nette annuelle depuis 1986. De chiffres qui marquent un point d’arrêt à l’expérience Pat Gelsinger chez Intel.