Les groupes étaient factices, les fans aussi. Mais l’arnaqueur, lui, était réel : Michael Smith a été arrêté mercredi 4 septembre, a annoncé la justice fédérale américaine le jour même. Comme le raconte le New York Times, ce citoyen américain est accusé d’avoir déposé sur Spotify, Apple Music et d’autres plates-formes musicales des centaines de milliers de titres réalisés par Intelligence artificielle (IA), puis d’avoir fabriqué une armée de faux comptes chargés de les écouter en boucle. Cette arnaque lui aurait permis de récolter au moins 10 millions de dollars (9 millions d’euros) de royalties. Une somme qui aurait dû profiter à « des musiciens, des compositeurs, ou des détenteurs des droits légitimes sur des chansons », s’indigne le procureur américain Damian Williams dans un communiqué.
Selon les constats de la justice, Michael Smith aurait sous-traité la plupart des tâches nécessaires à l’édification du complexe mécanisme de fraude, comme on peut le lire dans le dossier d’accusation. Des partenaires – un promoteur musical et le patron d’un service de création de musique par IA, dont les noms ne sont pas cités par la justice – l’aidaient à produire des milliers de titres par semaine. Le fraudeur utilisait ensuite un logiciel pour composer de faux noms de pistes avant de les mettre en ligne.
Restait à construire l’autre versant de l’arnaque : le réseau de faux comptes. Selon l’acte d’accusation, Michael Smith a acheté des milliers d’adresses e-mails, confiées ensuite à des petites mains basées en partie à l’étranger. Leur rôle : créer des milliers de comptes d’auditeurs sur diverses plates-formes musicales. Ces derniers ont ensuite été utilisés pour lire de façon automatisée les morceaux mis en ligne par Michael Smith. Couplés à l’utilisation de VPN (Virtual Private Network, « réseau privé virtuel »), qui donnaient l’impression que des utilisateurs se connectaient de différents pays, ces automates lui ont permis de générer un grand nombre d’écoutes.
Jusqu’à vingt ans de prison
L’investissement en valait la peine. En 2017, Michael Smith s’envoyait par e-mail une estimation des revenus attendus : avec 52 hébergeurs abritant chacun 20 automates lisant chacun 636 chansons par jour, il espérait dépasser 1,2 million de dollars annuels en royalties, soit un peu moins d’1,1 million d’euros. Une estimation pessimiste, puisque en 2024, l’homme a évalué ses revenus à 12 millions de dollars (près de 11 millions d’euros) en cinq ans.
Selon la justice, le fraudeur aurait menti à plusieurs reprises aux plates-formes musicales ainsi qu’aux distributeurs de musique. En 2018, un de ces acteurs l’avertissait qu’après de multiples signalements d’abus, ses morceaux seraient retirés de toutes les plates-formes. Des accusations dont il se défendait avec vigueur : « C’est absolument faux et dingue ! … Il n’y a absolument aucune fraude d’aucune sorte ! Comment puis-je faire appel ? »
Lui-même musicien, l’homme avait un profil suffisamment crédible pour réfuter les accusations pendant de longues années. Mais pas éternellement. Selon le bureau du procureur du district sud de New York, les charges qui pèsent sur lui sont passibles d’une peine allant jusqu’à vingt ans de prison.