Mercredi 26 juillet. Il est 17 heures à l’ombre d’un arbre noueux d’où pendent des lanternes marocaines en verre et une cage à oiseaux incongrue. Trois tables sont posées là. Des hommes (certains sont de vieux amis) y ont pris place, louchant sur les cartes qu’ils ont en main. Se sont-ils mis à l’abri de la chaleur étouffante ? Pas du tout : ils sont là toutes les semaines de l’année, s’acquittant invariablement de l’obole de 6 euros que réclame le maître des lieux. D’ailleurs, il y a un peu moins de monde que d’habitude en cette fin de juillet – on comprend que les autres sont partis en vacances. De toute façon, on chercherait en vain du frais ici. L’arbre est en plastique. Et les courants d’air sont rares dans cette cave du 19e arrondissement de Paris, où se tient un tournoi hebdomadaire de Yu-Gi-Oh !. Florent pose une carte « Fusion de la destinée », les quarante minutes que va durer ce premier match commencent à s’égrener : le tournoi a commencé.
« Il ne faut pas déranger les joueurs, ils sont très concentrés », nous avait prévenus le vendeur du Repaire du dragon, la boutique qui accueille le tournoi. Alors, prudemment, on passe l’essentiel de cette première manche avec Etienne. Il reste à l’écart, sans jouer : il est juste venu accompagner les copains. Etienne sort son classeur de cartes, commence à le feuilleter tout en répondant à nos questions de néophytes. On lui demanderait bien combien toutes ces cartes valent, mais on sent que le sujet ne serait pas le bienvenu. « Ce n’est que mon avis, mais la spéculation, c’est plutôt mal vu, confirme-t-il. Jouer ou faire monter les prix, ce n’est pas la même philosophie. »
Moins joué que Magic, moins collectionné que Pokémon, Yu-Gi-Oh ! est néanmoins le troisième mastodonte du jeu de cartes à collectionner. Né lui aussi dans les années 1990, adapté d’un manga et d’un anime japonais signés Kazuki Takahashi (diffusé en France à partir de 2000), ce jeu s’appuie comme ses semblables sur un corpus de cartes considérable : la dix-millième est sortie il y a trois ans. Et le nombre continue de gonfler mois après mois.
Un « gogogo dans le cimetière »
Avant un jour de tournoi comme celui-ci, chaque joueur prépare scrupuleusement le deck de quarante cartes avec lesquelles il va jouer (et même davantage en réalité, vu que l’on peut appeler en cours de jeu un extra-deck et même, folie, un side deck). Personne ne peut raisonnablement en connaître tous les effets. « Les noms de ces cartes, ça me fume », dit en rigolant Florent, en lisant le nom (long d’environ huit syllabes) d’une carte de son adversaire. Jouer à Yu-Gi-Oh !, c’est donc le découvrir en permanence : quand un joueur pose une carte, il accompagne souvent son geste d’une courte explication, détaillant ses effets, demandant à son adversaire s’il a un moyen de la contrer.
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