En tant qu’utilisateur actif de Bluesky, j’ai été le témoin direct de la croissance remarquable de la plateforme ces derniers jours. Ces dernières semaines, par exemple, mon nombre de followers a grimpé en flèche, reflétant ainsi une véritable demande pour une nouvelle expérience des médias sociaux.
Toutefois, une croissance aussi rapide s’accompagne de défis. La semaine dernière, Bluesky a connu une tension importante, ce qui a entraîné de nombreuses erreurs et des temps de chargement lents. Les notifications ont été ralenties, les timeline ont pris beaucoup de temps à se charger. Et j’ai souvent rencontré des erreurs de type » Invalid Handle « . Pour stabiliser temporairement la situation, l’équipe technique de Bluesky a même mis la plateforme en mode lecture seule.
J’ai donc ressenti une impression de déjà-vu. L’expérience me rappelait les premières années de Twitter, lorsque la baleine de l’échec (fail whale) était devenue un symbole tristement célèbre de serveurs surchargés.
La Fail Whale réimaginée
Les utilisateurs de Bluesky ont fait revivre l’image de la baleine sur la plateforme, cette fois avec des variations plutôt ludiques.
L’une de ces versions met en scène un adorable extraterrestre d’une émission de télévision des années 80, Alf, qui a l’air aussi exaspéré que nous le sommes lorsque nous attendons le chargement des messages.
Cela nous rappelle notre désir de stabilité sur ces plateformes. Mais souligne aussi le fait que la communauté des médias sociaux s’est toujours appuyée sur l’humour pour faire face aux problèmes techniques.
Pourquoi ces difficultés ?
La conception décentralisée de Bluesky est destinée à prévenir exactement ce type de goulot d’étranglement. En théorie, chaque utilisateur pourrait héberger ses données sur son propre serveur de données personnelles (PDS – Personal Data Server), répartissant la charge sur un réseau de serveurs au lieu de dépendre d’une instance centrale unique.
Mais pour l’instant, la réalité est que la plupart des utilisateurs sont connectés à l’infrastructure principale de bsky.social, qui supporte la majeure partie de la charge.
Bien que pratique pour une plateforme qui cherche encore ses marques, cette centralisation créé des goulets d’étranglement alors que la popularité de Bluesky monte en flèche.
Construire un réseau véritablement distribué n’est pas si simple
La vision de Bluesky en matière de décentralisation me rappelle le fonctionnement du système de noms de domaine (DNS) sur l’internet. Le DNS est un système distribué à l’échelle mondiale qui s’étend sur d’innombrables serveurs pour traiter les demandes, empêcher les points de défaillance uniques et gérer efficacement le trafic.
Bluesky veut faire quelque chose de similaire en permettant aux utilisateurs et aux communautés d’héberger leurs propres données par l’intermédiaire de serveurs de données personnelles. En théorie, cette configuration décentralisée réduirait la pression sur les serveurs centraux. Et cela permettrait d’éviter les goulets d’étranglement.
La mise en place d’un PDS est relativement simple. De nombreux individus et organisations peuvent en gérer un, et certains fournisseurs d’hébergement proposent même des modèles prédéfinis. Cependant, aller au-delà du PDS pour créer une instance Bluesky complète et entièrement fonctionnelle est une autre histoire.
5 To de stockage
Un récent billet de blog montre que le composant de relais, qui gère les flux de données entre les serveurs, nécessite à lui seul près de 5 To de stockage. Si l’on ajoute à cela les besoins en puissance de calcul, en mémoire et en bande passante, la réplication de l’ensemble de l’infrastructure Bluesky exige un niveau de ressources et de complexité technique hors de portée de la plupart des particuliers et des petites organisations.
C’est là qu’interviennent les fournisseurs de cloud à grande échelle comme AWS, Google Cloud et Azure. Grâce à leur infrastructure massive, ces fournisseurs pourraient offrir à la fois l’hébergement PDS et les composants d’infrastructure de soutien dont Bluesky a besoin pour évoluer efficacement.
Si les hyperscalers investissent dans le soutien de l’infrastructure de Bluesky, la plateforme pourrait enfin réaliser sa vision décentralisée. C’est à dire créer un réseau qui, comme le DNS, fonctionne à travers une architecture distribuée et permet aux données de circuler sans problème entre des serveurs gérés de manière indépendante.
Grâce à cette configuration distribuée, Bluesky pourrait soutenir sa base d’utilisateurs en expansion sans dépendre d’un seul point de défaillance. De quoi se rapprocher ainsi d’un réseau social résilient, appartenant aux utilisateurs et capable de s’adapter à la demande.
Pour l’avenir
En tant qu’utilisateur de Bluesky, j’espère que la plateforme pourra surmonter ses défis techniques. Avec le soutien des hyperscalers et l’adoption des instances PDS, l’avenir de Bluesky pourrait être à la fois évolutif et résilient, capable de prendre en charge des millions d’utilisateurs sans s’effondrer sous la pression.
Le rappel de la fail whale est un charmant rappel du parcours de la plateforme et indiquent que l’équipe de Bluesky a un important travail de mise à l’échelle à accomplir.
Les pépins d’aujourd’hui reflètent à la fois les progrès et le potentiel.