La régulation européenne étouffe-t-elle l’innovation ? De grandes entreprises de la tech ont entonné ce refrain ces dernières semaines. « L’Europe est devenue moins compétitive et innovante que d’autres régions et elle risque aujourd’hui de reculer encore dans l’ère de l’intelligence artificielle, en raison de décisions de régulation incohérentes », accusent ainsi une trentaine d’entreprises du numérique, dans une lettre ouverte publiée jeudi 19 septembre et relayée par une pétition, ainsi que des pages de publicité dans de grands journaux. A la tête de cette campagne : Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, dont le fondateur, Mark Zuckerberg, avait déjà cosigné fin août, avec le patron de Spotify, Daniel Ek, une tribune contre une régulation jugée « trop complexe et incohérente ».
Si elle n’est pas totalement inédite, cette initiative de lobbying s’accompagne d’une décision plus rare : Meta a suspendu le lancement dans l’UE de son assistant d’IA, Meta AI, sur ses réseaux sociaux Instagram et Facebook. Dans sa lettre, le groupe enjoint à Bruxelles d’arrêter de « rejeter le progrès (…) et de regarder le reste du monde construire des technologies auxquelles les Européens n’auront pas accès ».
Si Apple a une communication moins offensive que Meta et n’a pas signé sa lettre ouverte, l’entreprise de Tim Cook a elle aussi suspendu jusqu’à nouvel ordre le lancement en Europe de son assistant d’IA, Apple Intelligence, ainsi que trois autres fonctionnalités prévues pour l’iPhone 16. Pour justifier sa décision, le groupe a invoqué les « incertitudes réglementaires » engendrées selon lui par le règlement européen Digital Markets Act (DMA), dont certaines mesures pourraient le forcer à « compromettre l’intégrité de [ses] produits d’une manière qui mette en danger la confidentialité des utilisateurs et la sécurité des données ».
Meta s’insurge aussi contre une décision de la CNIL irlandaise qui lui interdit, au nom du règlement général de protection des données personnelles (RGPD), d’entraîner ses modèles d’IA sur les contenus publiés sur ses réseaux sociaux par ses utilisateurs, sans leur demander leur consentement. « Il s’agit de données partagées de façon publique, pas de conversations privées comme les messages sur Messenger », plaide Joëlle Pineau, vice-présidente chargée de la recherche en IA chez Meta. Il est important d’entraîner les IA sur les langues et les cultures européennes « pour ne pas avoir que des modèles anglo-saxons », ajoute la chercheuse canadienne. Meta fait enfin valoir que le Brésil ou le Royaume-Uni lui ont donné leur feu vert.
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