Le torchon brûle entre l’opérateur Orange et l’Arcep, régulateur du secteur des télécommunications. Le premier accuse le second de le harceler sur de nombreux sujets et de lui imposer des conditions que les autres opérateurs n’ont pas à subir.
Dans le même temps, son passé d’opérateur historique et son contrôle des réseaux physiques lui donnent un statut un peu à part et en font la cible de décisions réglementaires spécifiques.
Après avoir critiqué verbalement certaines décisions du régulateur, l’opérateur Orange a décidé de passer à la vitesse supérieure en déposant un recours contre l’Arcep auprès du Conseil d’Etat, d’abord pour questionner son pouvoir de sanction, ensuite sur la portée de ses obligations en matière de déploiement.
Tensions grandissantes
Début février, une QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) a été déposée sur le thème du déploiement de la fibre dans les villes moyennes, en réponse à la mise en demeure de l’Arcep pour les promesses de déploiement fibre non respectées en zone AMII (Appel à Manifestation d’Intention d’Investissement).
En réponse, le régulateur diffuse le texte de la mise en demeure datant du…17 mars 2022, soit il y a presque un an. Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Le journal La Tribune spécule sur le fait que l’Arcep a voulu temporiser, pensant pouvoir trouver un terrain d’entente avec Orange entre-temps.
La situation s’étant au contraire tendue entre les deux parties, il n’est plus question de prendre des gants et l’Arcep diffuse le texte de la mise en demeure dans lequel l’opérateur étant censé terminer les raccordements dans les villes moyennes au 30 septembre 2022.
Or, au lieu des 100% attendus, le taux de raccordement n’est encore que de 88% actuellement, faisant s’impatienter les collectivités locales face aux promesses non tenues et aux conséquences économiques qu’elles impliquent.
L’opérateur avait déjà déposé en 2019 une QPC sur le pouvoir de sanction du régulateur pour attirer l’attention et mettre la pression sur l’autre partie, avant de la retirer quelques jours plus tard.
Désaccords sur l’étendue des engagements de déploiement
L’Arcep s’estime en droit de sanctionner l’opérateur (une amende jusqu’à 3% de son chiffre d’affaires peut lui être imposée) mais Orange conteste le périmètre des engagements et la liste de communes à couvrir du fait des évolutions démographiques qui ont fortement gonflé certaines agglomérations et donc modifié le nombre de clients à raccorder.
La PDG d’Orange Christel Heydemann vient de présenter la stratégie du groupe pour les trois prochaines années et vise à recenter l’opérateur sur son coeur de métier en abandonnant les explorations d’autres activités, comme la banque ou les médias (Orange Bank, OCS…)
Elle en a profité pour souligner le travail d’Orange dans le déploiement de la fibre à l’échelle nationale et sa présence dans d’autres pays européens, et elle entend poursuivre les efforts pour étendre ses réseaux fixes comme mobiles (renforcement de la 4G, déploiement de la 5G).
Reste la problématique de la fermeture du réseau cuivre et le relèvement du tarif de gros, autre sujet chaud pour les relations entre Orange et le régulateur, même si ce dernier ne s’est pas dit opposé à une hausse, malgré le rejet en bloc de cette possibilité par les autres opérateurs…
L’articulation entre la fin du réseau cuivre et la conclusion du déploiement de la fibre est aussi un sujet de friction entre les deux parties dans la mesure où elle risque de laisser des clients sans solution alternative.