Bastien Vivès, ou la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Pour nombre de professionnelles de BD, le débat et la mobilisation de décembre, qui ont mené à l’annulation de l’exposition de l’auteur lors de la cinquantième édition du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, ont marqué un tournant et sont venus renforcer l’élan féministe qui a émergé depuis quelques années dans le secteur de la bande dessinée franco-belge. Accusé dans une tribune de « promotion de la culture du viol », le bédéaste de 38 ans est aussi visé, à cause de trois de ses œuvres, par une enquête pour diffusion d’images pédopornographiques.
Après des prises de position personnelles de certains auteurs et autrices de BD et deux pétitions lancées par des étudiants en art d’Angoulême et des militants des droits des enfants, le mouvement a vu émerger, à la mi-décembre, un collectif contre les violences dans le milieu du 9e art. A son actif, une tribune intitulée « Les raisons de la colère », publiée le 17 décembre sur le site Mediapart et qui a rassemblé plus de 500 signataires et de nombreux soutiens hors du sérail, issus notamment de la sphère du militantisme féministe, très active sur les réseaux sociaux.
« [La] mise à l’honneur [de Bastien Vivès] au festival d’Angoulême est symptomatique d’un contexte global où les luttes contre le sexisme et les violences sexuelles peinent toujours à être entendues et reconnues », y écrit le collectif, qui revendique aujourd’hui 220 membres « venus de tous les secteurs de la BD ». Dans la foulée de sa création ont été lancés des comptes sociaux autour du hashtag #metooBD pour relayer des témoignages anonymes.
« Paye ta bulle »
Depuis l’étincelle internationale de 2017, il n’y avait pas encore eu de mouvement #metoo à proprement parler dans la BD en France. « Nous avons choisi ce terme, car il est marquant pour les victimes, les agresseurs et surtout la société qui évolue sur ces questions. Ce débat dépasse largement notre milieu », explique au Monde une membre du collectif. Segment florissant du marché du livre, « la BD a pris une place importante dans le champ culturel et est prescriptrice de représentations », complète Johanna Schipper, autrice et doctorante à l’université Bordeaux-Montaigne mais aussi membre des Créatrices de bande dessinée contre le sexisme.
Cet autre collectif avait déjà commencé il y a plusieurs années un difficile travail de compilation des faits de sexisme banalisé, de harcèlement et de violence sexuelle dans le milieu, publiés dans une rubrique baptisée « Paye ta bulle » sur son site. Né en 2015 en réaction au projet « accablant et misogyne » du Centre belge de la bande dessinée de monter une exposition collective intitulée « La BD des filles », le groupe des Créatrices, qui rassemble quelque 250 autrices, s’était déjà fait entendre, dès le mois de janvier 2016, en dénonçant l’absence de femmes dans la sélection du Grand Prix du festival d’Angoulême.
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