Alors que la pénurie de semi-conducteurs perdure et fluctue, et que la pandémie vient renforcer ses effets, Apple est au milieu d’une transition historique pour ces Mac. Un empilement de causes, qui lui complique énormément la vie et nécessite des sacrifices.
La bascule des Mac vers des puces Apple Silicon, initiée fin 2020, est à la fois une chance et une contrainte, semble-t-il, selon Mark Gurman, de Bloomberg. En moins de deux ans, le géant de Cupertino a introduit sa première famille de puces ARM pour Mac, les M1, M1 Pro, M1 Max et finalement M1 Ultra. Quatre SoC qui ont impressionné les testeurs et les utilisateurs par leurs performances et leur consommation d’énergie. Ils ont ainsi permis aux MacBook Pro 13 pouces de devenir champions des ultraportables en autonomie, deux générations de suite.
Ces nouvelles puces ont même donné à Apple la possibilité de créer une nouvelle gamme d’ordinateurs, les Mac Studio. Ce n’était pas arrivé depuis 2008 et l’introduction du premier MacBook Air. Elles n’ont toutefois pour l’heure pas couvert l’ensemble de la gamme des Mac disponibles, puisque le Mac mini haut de gamme est toujours animé par un processeur Intel Core, et que le Mac Pro repose toujours sur des Intel Xeon pour abattre sa tâche.
Revoir les priorités, et faire quelques sacrifices…
Plus de contrôle et de libertés, donc, au point qu’on en arrive à rêver à un vrai nouveau MacBook grand public. Les Mac avancent à grands pas, alors qu’Apple devrait introduire ses M2 Pro, M2 Mac, M2 Ultra dans les mois à venir. Néanmoins, cet effort consenti à la transition des Mac vers les puces Apple Silicon a des effets collatéraux importants, sublimés par la pénurie. La pandémie a en effet servi de loupe à un problème d’approvisionnement en composants électroniques, magnifiant des tensions dans les chaînes de production.
Pour sortir ses puces présentes et futures de la famille M, Apple a dû réallouer ses ressources en développement, test et production, selon le journaliste de Bloomberg. Cet effort aurait contribué à des « progrès plus lents sur les iPhone, l’Apple Watch et même les modems sans-fil ».
Mark Gurman renvoie alors à une information qu’il a révélée il y a quelque temps déjà. Pour la première fois depuis qu’Apple développe ses propres puces pour ses smartphones, tous ses iPhone n’auraient pas droit à une nouvelle puce en septembre prochain. Seuls les iPhone 14 Pro basculeraient vers un nouveau SoC A16, tandis que les iPhone 14 se contenteraient d’une puce A15, peut-être inchangée.
De même, la Watch Series 8 embarquerait un SiP, le S8, dont les performances seraient proches, voire identiques, de celles du S7, présent dans la Series 7. Or, le S7 offrait déjà une puissance similaire au S6. Ce point n’est toutefois pas forcément problématique. La Watch n’a pas tant besoin de beaucoup plus de puissance – même si on ne dit jamais non à plus de réactivité et de fluidité – que d’une autonomie renforcée.
Un troisième chantier interne de développement de puce serait également concerné, le développement du modem 4G/5G maison. Sur ce point, Mark Gurman est d’accord avec les dernières prédictions de Ming-Chi Kuo. L’analyste spécialisé dans les chaînes de production indiquait récemment qu’Apple aurait rencontré quelques difficultés et ne pourrait conséquemment pas lancer son propre modem mobile avant la deuxième moitié de 2023. Le journaliste de Bloomberg précise que d’après ses sources, les prototypes de modem d’Apple produits au cours de la dernière année environ ont tendance à surchauffer.
Entre rééquilibrage et scalabilité extrême
Plusieurs questions se posent dès lors. Apple oblitère-t-il un peu de son futur, et surtout menace-t-il le business de l’iPhone, qui génère toujours environ 60% de ses revenus ? Difficile à dire.
Tout d’abord parce que le développement du M1 et du M2 n’est pas totalement isolé de la conception des puces Apple Axx. Le M1 avait pour base l’A14. Le M2 repose sur l’A15, et il ne fait pas trop de doute que le M3 construira sa famille sur l’architecture du A16.
Ensuite, on l’a vu à deux occasions désormais, le M1 n’est plus réservé aux Mac, puisqu’il a pris place dans deux gammes différentes d’iPad : les modèles Pro, 11 et 12,9 pouces, et Air.
Enfin, Apple tient là l’occasion de rééquilibrer les forces en présence dans son offre de produits. Les MacBook Mx semblent en effet faire une razzia en matière de parts de marché – même s’ils ne représenteront jamais les volumes des smartphones d’Apple. Il faut dire que leur rapport performance/Watt est sans égal pour l’instant et fait d’eux des candidats idéaux au titre de portables endurants, puissants et silencieux.
Par ailleurs, cette concentration technologique était un des objectifs d’Apple. En maîtrisant la conception de ses puces ARM, et en jouant au maximum de la scalabilité de cette architecture, Apple avait en tête la mutualisation et la réutilisation de ses développements. Ainsi, les HomePod utilisent les SiP de la Watch, comme les iPad adoptent les SoC des Mac.
Un partenaire et une question de coût
Toutefois, comme le précise Mark Gurman, deux éléments échappent au contrôle total d’Apple. Le premier élément touche au progrès de TSMC, son partenaire privilégié dans la fabrication des puces. La société taïwanaise est en pointe pour déployer des processus de gravure toujours plus fins. Alors que le 3 nm devrait être disponible d’ici la fin de l’année 2022, TSMC a tout récemment dévoilé son processus de création de puces en 2 nm. Sur ce point, et en attendant que la nouvelle stratégie d’Intel porte ses fruits, Apple est totalement tributaire de son partenaire asiatique. Samsung n’arrive pas à faire aussi bien pour le moment.
Autre point sur lequel Apple n’a pas la main, même s’il peut tenter des ajustements : la hausse des coûts des composants liés à la pénurie/hausse de la demande, et à la pandémie. Afin d’éviter de répercuter systématiquement l’augmentation des coûts sur les utilisateurs (ou sur sa marge), l’entreprise a quelques solutions. Ne pas basculer tous les iPhone 14 sous la nouvelle puce pourrait en être une manifestation. En ne produisant une nouvelle puce, donc plus coûteuse, que pour certains modèles, Apple réduit ses coûts.
Bref, entre pénurie, explosion des coûts et nécessité d’innover, Apple est actuellement dans une situation houleuse. Heureusement pour lui, il n’est pas le seul : tout le marché est au cœur de cette même tempête Tous les acteurs ne pèsent pas autant que lui, ce qui lui laisse une belle marge de manœuvre pour s’imposer et négocier avec quelques atouts en main.
Source :
Bloomberg