Et si l’élection de Donald Trump sonnait le réveil de la tech européenne ? En favorisant l’arrivée au pouvoir du candidat républicain ou tout du moins en s’abstenant de soutenir comme elle fait traditionnellement le camp démocrate, la Silicon Valley attend un retour sur investissement.
Dès son retour aux fonctions en janvier, le 47ème président des États-Unis devrait détricoter ce qu’a mis en place son prédécesseur. Il compte largement déréguler le secteur de la tech pour ne pas entraver l’innovation dans l’intelligence artificielle et libéraliser le marché des cryptomonnaies.
Donald Trump devrait aussi retarder ou arrêter les enquêtes antitrust lancées contre les géants du numérique par l’administration Biden. Le nouveau président pourrait également se faire la voix des GAFAM en demandant à l’Union européenne d’atténuer ou de mettre un terme aux amendes records récemment infligées à Google (2,4 milliards d’euros) et Apple (13 milliards d’euros).
Le nouveau meilleur ami de Donald Trump, Elon Musk, est aussi dans le collimateur de Bruxelles. Son réseau social, X, a été formellement mis en cause cet été pour des infractions au règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA).
Fin de la coopération transatlantique ?
Autant d’éléments qui ne devraient pas favoriser la coopération transatlantique. D’autant que le Conseil du commerce et des technologies UE-États-Unis (CCT) pourrait ne pas survivre à un second mandat de Trump.
Instauré en 2021, ce CCT vise à renforcer les collaborations de part et d’autre de l’Atlantique justement après les liens distendus sous la première présidence Trump. Grâce à cette CCT, l’UE et les Etats-Unis ont, par exemple, développé une vision commune sur la 6G.
Directrice générale de DigitalEurope, association européenne de la tech, Cecilia Bonefeld-Dahl veut croire, dans un billet, que « le président Trump choisira la voie de la coopération, et non du conflit, avec les partenaires et amis les plus proches des États-Unis. » Elle appelle à un renforcement de la coopération dans les domaines de la cybersécurité, de l’IA ou la 6G.
Échaudée, Cecilia Bonefeld-Dahl se montre toutefois prudente. « Cette élection est aussi un appel à l’action pour que l’Europe soit plus résiliente et qu’elle soit autonome ». Alors que les États-Unis occupent une position de leader dans de nombreuses technologies critiques, à commencer par le cloud et l’IA, la victoire de Trump pourrait renforcer la nécessité pour le Vieux Continent de gagner en souveraineté.
Secrétaire général d’European Digital SME Alliance, lobby des PME de la tech, Sebastiano Toffaletti rappelle l’enjeu dans un post sur LinkedIn. Citant le cloud et les grands modèles de langage (LLM), il estime que « la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’infrastructure numérique américaine devient encore plus problématique ».
Le rapport Draghi a le vent en poupe
Selon lui, « la Commission européenne et les États membres doivent faire de la souveraineté technologique – aujourd’hui plus que jamais – leur priorité absolue ». Interviewé sur France Inter le 6 novembre, Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, appelle à investir massivement au niveau européen dans les technologies de rupture comme l’IA et le quantique, citant le rapport Draghi.
Pour mémoire le rapport sur la compétitivité de l’UE de l’ancien Premier ministre italien propose d’injecter 800 milliards d’euros par an d’investissements supplémentaires pour éviter que l’Europe ne décroche face aux États-Unis et à la Chine. Nul doute que le rapport Draghi sera évoqué au sommet de la Communauté politique européenne qui se tient actuellement à Budapest. Favorable lui aussi à un « choc d’investissement » dans des domaines clés comme l’IA, Emmanuel Macron devrait plaider pour sa mise en place.
Dans un message sur X, le président français a indiqué : « Nous (Olaf Scholz et lui, NDR) allons œuvrer pour une Europe plus unie, plus forte, plus souveraine dans ce nouveau contexte. En coopérant avec les États-Unis d’Amérique et en défendant nos intérêts et nos valeurs. »