comment les bombardiers B-2 ont volé 37 heures sans se poser et sans être détectés

comment les bombardiers B-2 ont volé 37 heures sans se poser et sans être détectés


Les États-Unis en avaient déjà fait appel lors des guerres du Kosovo, d’Afghanistan et de Libye, mais jamais une mission aussi médiatisée n’avait été aussi discrète. Les bombardiers B-2 Spirit sont au centre de l’actualité après les récentes frappes aériennes en Iran, qui ont visé les sites nucléaires sous-terrain hautement fortifiés de Fordow, Natanz et Ispahan.

Lors de cette opération militaire baptisée « Marteau de minuit », les États-Unis ont concrétisé une mission préparée depuis des années, avec des avions furtifs dernier cri, mis en service à la fin des années 1980 et d’une redoutable efficacités. Appelé B-2 et développé par Northrop, il coûte plus de 2 milliards de dollars l’unité du fait de ses équipements. Rien que la peinture, qui absorbe les ondes radar, coûte 400 000 dollars le litre.

Seuls prétendants au transport du missile GBU-57, long de 6 mètres et d’un poids dépassant les 13 tonnes, les B-2 en configuration Spirit ont été utilisés lors de l’opération et ont réalisé pas moins de 37 heures de vol au total, sans jamais se poser et sans être détectés lors de leur mission. Ils ont fait l’aller-retour depuis leur base de Whiteman, dans le Missouri aux Etats-Unis.

Quand l’on sait qu’un vol commercial peut atteindre 19 heures, on se doute bien que le milieu militaire repousse ce genre de limite, et atteint des sommets. Mais comment un total de 7 avions bombardiers ont pu réaliser un aller-retour des États-Unis en Iran, avec une charge de plusieurs tonnes, sans avoir besoin de se poser et sans se faire une seule fois détecter ?

© US Department of Defense

Pourquoi les bombardiers B-2 américains ont volé pendant 37 heures

Pour comprendre comment les avions furtifs ont couvert plus de 23 000 kilomètres sans se poser, il faut tout d’abord comprendre pourquoi ces derniers n’avaient pas d’autre choix que de rester en l’air. Il existe deux raisons principales : une contrainte de poids et une contrainte de discrétion.

Une contrainte de poids

Lors de leur décollage de la base de Whiteman dans le Missouri, les bombardiers impliqués dans les frappes aériennes iraniennes avaient leurs réservoirs pratiquement vides. Un choix surprenant, avant de se lancer dans un vol de près de deux jours sans pause. Les réservoirs de 45 tonnes disponibles n’avaient ne disposaient que de quoi décoller et atteindre une altitude de croisière. Une condition sine qua non, le bombardier B-2 équipé de plus de 13 tonnes d’armement n’aurait tout simplement pas pu décoller.

En faisant le plein au sol, et en embarquant deux bombes GBU-57 dans leur soute, les B-2 seraient beaucoup trop lourds pour s’arracher du sol et disposer d’une portance suffissante sous son envergure de 52 mètres. S’ils devaient procéder à plusieurs décollages et atterrissages, il faudrait donc que les avions furtifs soient accompagnés en permanence d’avions ravitailleurs pour faire le plein des réservoirs ne fois en l’air, après le décollage.

Une contrainte de discrétion

Avec son architecture digne des meilleurs avions furtifs, le bombardier B-2 est pratiquement indétectable par les radars, grâce à sa voilure qui dévie et absorbe les ondes radio. Mais pour rester discret, faut-il encore évoluer en haute altitude, et dessiner une trajectoire des plus directes, sans perdre de temps. C’est ainsi que, pour acheminer les avions des États-Unis à l’Iran, il n’était pas question de faire de pause.

Malgré la capacité des missiles GBU-57, une telle opération aérienne ne peut être efficace que si elle s’accompagne d’un effet de surprise. Et difficile de surprendre lorsque l’on décolle plus de 10 heures plus tôt. Lors de leurs 11 400 kilomètres de traversée en direction de l’Iran, les bombardiers B-2 ont évolué en haute altitude, à 15 kilomètres d’altitude (50 000 pieds).

Cette altitude est bien supérieure à celle des avions de ligne, comprise entre 30 000 et 41 000 pieds. À un tel niveau, les bombardiers B-2 peuvent évoluer à des vitesses particulièrement élevées – même si subsoniques – avec une consommation de carburant maîtrisée. Ainsi, les bombardiers B2 ont pu voler jusqu’à Mach 0,95, tout proche de la vitesse du son, à une altitude de 50 000 pieds. Un moyen de parcourir le plus de distance en un rien de temps.

Northrop B 2 Bombardier Iran Operation Vol
© US Air Force

37 heures sans interruption ni détection : un défi technologique

Maintenant que l’on comprend pourquoi l’opération « Marteau de minuit » a nécessité de voler en continu pendant 37 heures sans se faire repérer, penchons-nous sur les moyens mis en place pour y arriver. Même si les États-Unis ont déjà réalisé une mission en Afghanistan pendant un total de 44 heures au départ et à l’arrivée de Whiteman dans le Missouri, celle des frappes aériennes sur les sites nucléaires iraniens est particulièrement impressionnante par les moyens mis en place.

Contrairement aux précédentes frappes avec des bombardiers B-2, celles des 21 et 22 juin 2025 avaient la particularité d’être surveillées de près par les médias, les plateformes de suivi de trafic aérien via les récepteurs ADS-B. Les réceptions radio des conversations entre les avions et les contrôleurs permet aussi à de nombreux passionnés de suivre le trafic aérien, tout comme les plateformes sociales permettent de partager des informations en un rien de temps, au risque de trahir la discrétion d’opérations militaires comme celle-ci.

Diversion

Aux États-Unis notamment, de nombreux internautes scrutaient le ciel de près, aux aguets pour partager toute activité de la base de Whiteman dans le Missouri. En pleine conscience de cette contrainte, l’Armée de l’air américaine a pris soin de faire décoller 11 bombardiers de la base. Deux d’entre eux sont partis en direction de l’Ouest, vers l’océan Pacifique. Leur mission : se rendre sur la base aérienne d’Andersen, située sur l’île de Guam, au large des Philippines.

Il s’agissait en réalité d’une diversion. L’un des deux appareils a même été dirigé vers Hawaii. Sur les radars, les bombardiers ne se faisaient pas très discrets, et partageaient les indicatifs MYTEE 11 et MYTEE 21, ainsi que leur destination, sur l’île du Pacifique. Dans le même temps, la mission principale avec neuf bombardiers B-2 se mettait en place, en direction de l’est, vers l’océan Atlantique. Contrairement aux autres appareils, le convoi des neuf appareils est resté dans le silence le plus total.

Sur les neuf appareils, deux ont servi d’appareils de rechange en cas de besoin. Ils n’ont pas été impliqués dans les frappes aériennes en Iran, précisaient plus tard les autorités américaines. Les sept autres bombardiers impliqués possédaient deux membres d’équipage à bord. Les rares informations sur l’escadron d’appareils concernent des internautes sur X, situés aux abords de la base de Whiteman, et qui indiquaient que les bombardiers se dirigeaient vers l’Est, le 21 juin au petit matin.

Ravitaillement au-dessus de l’Atlantique

Entre le 15 et le 16 juin, l’activité aérienne militaire s’accélérait au-dessus de l’Atlantique, avec de nombreux avions ravitailleurs KC-135 et KC-46 de l’US Air Force. Ces derniers se sont ensuite positionnés sur des bases en Allemagne (Ramstein), à Moron et Rota en Espagne, mais aussi à Lajes, sur l’île de Terceira dans l’archipel des Açores.

Lajes Avion Ravitailleur Americains
La base de Lajes sur l’île de Terceira, dans l’archipel des Açores le 20 juin. On y voit de nombreux avions ravitailleurs américains © X / Revista Força Aérea

Ces avions de ravitaillement ont permis de faire le plein en carburant des bombardiers B-2, en privilégiant des zones au-dessus de l’océan Atlantique et de la mer Méditerranée, hors de portée des récepteurs ADS-B. En vol de croisière, les réservoirs de 45 tonnes de carburant nécessitent d’être ravitaillés toutes les 6 heures, de quoi comprendre le besoin en avion ravitailleur, d’autant plus pour 7 appareils chargés de plus de 13 tonnes d’armement.

Dans une intervention télévisée, le Général Dan Caine, membre de l’état-major interarmées, a décrit la mission et expliqué qu’une fois « au-dessus de la terre ferme, les B-2 ont effectué la liaison avec les avions d’escorte et de soutien lors d’une manœuvre complexe et minutieuse nécessitant une synchronisation parfaite dans un espace aérien restreint, le tout avec un minimum de communications ».

Faible signature radar

En plus de son architecture, sans empennage vertical, avec des bords d’attaque en flèche et des bords de fuite en dents de scie et un revêtement en composite absorbant les ondes radar, le bombardier B-2 possède une très faible signature radar. Il possède aussi une peinture spécifique, à plus de 400 000 dollars le litre, dite « radar-absorbante ». Mais ce n’est pas tout.

Pour ne pas se faire détecter, le bombardier développé par Northrop dans les années 80 a reçu une ribambelle d’équipements de pointe. Ce n’est pas pour rien qu’il s’agit de l’aéronef le plus onéreux du XXe siècle. En tout, il a nécessité le travail de 3 500 sous-traitants, pour plus de 900 nouvelles méthodes de conception-fabrication. Si Northrop est responsable de la section avant et du cockpit, et Boeing de la partie centrale-avant et extérieure, de nombreuses entreprises technologiques ont pris le relais sur la partie des équipements électroniques.

IBM, notamment, a fourni un système de guerre électronique intégrant un détecteur d’émissions radar. Pour reconnaître le terrain sur lequel il compte mener une frappe, le bombardier possède aussi un radar à synthèse d’ouverture signé Hughes Aircraft, protégé par un système de contre-mesure électronique pour effectuer du brouillage, en changeant de fréquence très rapidement, et en utilisant des leurres, tels que des signaux qui simulent plusieurs avions.

Une fois la mission complétée, le Général Dan Caine déclarait que 125 avions auraient participé à la mission, « y compris des bombardiers furtifs B-2, plusieurs vols de chasseurs de 4e et 5e génération, des dizaines et des dizaines d’avions ravitailleurs en vol, un sous-marin lance-missiles et une gamme complète d’avions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, ainsi que des centaines de professionnels de la maintenance et des opérations. »

Selon le Pentagone, la défense anti-aérienne de l’Iran ne semblait pas « nous avoir détecté pendant toute la durée de la mission ».

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